Recommandations d’experts 2025
Camille Jung, Isabelle Hau
et l’ensemble du Conseil d’Administration du GFHGNP
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La prise en charge actuelle des maladies inflammatoires chroniques intestinale (MICI) – maladie de Crohn et rectocolite hémorragique font appel à des traitements immunosuppresseurs de plus en plus variés et de classes thérapeutiques différentes :
- soit « conventionnels » : corticoïdes et immunosuppresseurs (azathioprine, 6- mercaptopurine et méthotrexate),
- soit des biothérapies : anti-TNFα (infliximab et adalimumab), anti-intégrines α4-β7 (vedolizumab), anti-IL12/23 (ustekinumab), anti-IL23 (risankizumab),
- soit des petites molécules inhibant les janus kinase (anti-JAK), notamment l’upadacitinib et le tofacitinib.
Dans le traitement des MICI, ces médicaments immunosuppresseurs (seuls ou en association) sont utilisés sur des périodes prolongées parfois de plusieurs années, ce qui conduit à une immunodépression secondaire des patients traités. Il est donc nécessaire de prévoir la protection des patients contre les pathologies évitables par la vaccination, et ce, lorsque c’est possible, avant l’instauration des traitements.
En cas d’immunodépression, les vaccins vivants atténués viraux ou bactériens sont contre-indiqués du fait du risque de survenue de maladie vaccinale après vaccination. Par ailleurs, la réponse vaccinale peut être moindre chez ces patients pour lesquels des schémas vaccinaux particuliers peuvent être envisagés.
De plus, certaines vaccinations spécifiques sont recommandées du fait d’un risque accru après exposition à certains micro-organismes.
Finalement, la vaccination de l’entourage (famille, personnel de santé, etc.) contribue à la protection du patient.
Au total, on distingue les vaccins recommandés et obligatoires en population générale, le cas particulier des vaccins vivants atténués, et les vaccinations spécifiques dans le cadre d’une immunosuppression.
Les vaccins recommandés et obligatoires en populations générales
Les vaccinations des patients suivis pour une MICI doivent être à jour. Les vaccins recommandés en population générale suivant sont aussi recommandés/ obligatoires chez les patients sous immunosuppresseurs/biothérapie.
La liste des vaccins, obligatoire ou non, évolue chaque année.
Le calendrier vaccinal publié annuellement doit donc être vérifié (https://sante. gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/vaccination/calendrier-vaccinal).
En 2025, les vaccins obligatoires et recommandés en population générale sont ceux listés ci-dessous. Le caractère obligatoire peut varier en fonction de l’âge de l’enfant et du lieu de résidence (table 1) :
Table 1
Vaccins obligatoires ou devenus obligatoires et recommandés en population générale en 2025
Vaccins inactivés | Diphtérie ; Tétanos ; Poliomyélite ; Haemophilius influenzae B* ; Coqueluche* ; Hépatite B * Méningocoque C* Pneumocoque* Méningocoques ACWY¤ et le méningocoque B¤ Chez l’adolescent : Papillomavirus Méningocoques ACWY$ |
Vaccins vivants atténués | BCG Rotavirus Rougeole* ; Oreillons* ; Rubéole* En Guyane : Fièvre jaune£ A partir de 12 ans, si non immunisé : Varicelle$$ |
¤ Obligatoires pour les enfants nés après 2024 et avant 2 ans
$ Chez l’adolescent à partir de 11 ans. Schéma en 1 dose.
£ La vaccination contre la fièvre jaune est obligatoire pour les résidents de Guyane. En France hexagonale, cette vaccination n’est pas remboursée et doit se faire dans un centre de vaccination. Elle est fortement recommandée en cas de MICI avant traitement immunosuppresseur, cf. infra.
$$Chez l’adolescent non immunisé, à partir de l’âge de 12 ans. Quel que soit l’âge en cas d’immunosuppression, cf. infra.
Le rythme d’administration en cas de MICI est identique à celui recommandé pour la classe d’âge en population générale. Si les vaccinations ne sont pas à jour et nécessitent un rattrapage, le schéma de rattrapage dépendra du vaccin et de l’âge, cf. infra.
Les vaccins additionnels, spécifiquement recommandés pour les patients immunodéprimés
- La vaccination anti-grippale saisonnière est recommandée chez les patients sous immunosuppresseurs ou biothérapie.
- La vaccination contre l’hépatite A est également conseillée en cas de MICI surtout en cas d’atteinte hépatique ou de voyage prévu en pays endémique.
- Pour la vaccination anti-pneumococcique les choses sont plus complexes en pédiatrie. En effet, les recommandations pour les adultes sont de faire un Prevenar (pcv) 20, mais les recommandations pédiatriques n’ont pas encore été modifiées et recommandent toujours un pcv 13 ou 15 puis un pneumo 23 (appelé maintenant Pneumovax).
Toutefois de nombreux cliniciens suivant ces patients conseillent aussi pour les enfants de 2 à 18 ans 1 dose unique de Prevenar 20, car :
- Il existe une AMM européenne pour le pcv20 dès 6 semaines de vie.
- Ce vaccin a l’avantage d’induire une mémoire immunitaire.
- Ce vaccin évite l’hyporéponse en lien des vaccins polysaccharidiques non conjugués comme le Pneumovax.
Il convient donc soit de faire le pcv20 dès le diagnostic ; soit, si une vaccination pneumococcique par pcv13 ou 15 ou pneumo 23 a déjà été effectuée, attendre 5 ans pour faire le rappel. Dans tous les cas, les vaccinations (pcv15 et pcv20) ne sont pas encore prises en charge par l’assurance maladie.
- La vaccination contre la fièvre jaune est fortement recommandée en cas de MICI, quelle que soit l’origine du patient, car une fois le traitement instauré, cette vaccination ne sera plus possible (cf. infra). Il en est de même pour la vaccination contre la varicelle si le patient n’est pas immunisé (cf. infra).
Le cas particulier des vaccins vivants atténués
Les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués une fois le patient sous corticoïdes, immunosuppresseurs ou biothérapie. En dehors des vaccins vivants BCG et Rotavirus pour lesquels il n’y a pas d’indication de rattrapage s’ils n’ont pas été effectués dans les premières semaines de vie, sont contre-indiqués (en France), une fois le traitement commencé, les vaccins Fièvre jaune, ROR (Rougeole Oreillons Rubéole) et Varicelle. Si leur état clinique le permet, il est donc important de vacciner avant le début du traitement les patients qui n’ont pas été vaccinés ou exposés à la maladie.
La vaccination par les vaccins vivants atténués dépend de la possibilité de retarder ou non le début du traitement par biothérapie.
Cela est possible la plupart du temps, au moins pour la première dose, mais cela peut s’avérer impossible en cas de forme grave d’emblée.
Les vaccins vivants atténués qui nécessitent un rattrapage vaccinal sont dans le tableau (table 2) ci-dessous :
Table 2
Liste des vaccins vivants atténués nécessitant un rattrapage et délai en l’administration du vaccin et le début du traitement immunosuppresseur/ biothérapie
Vaccins vivants atténués | Délai entre l’administration du vaccin et le début du traitement immunosuppresseur/biothérapie |
Rougeole-Oreillons-Rubéole (ROR)* | 4 semaines (minimum 2 semaines) |
Varicelle** | 4 semaines (minimum 2 semaines) |
Fièvre jaune£ | 4 semaines (minimum 3 semaines) |
** Une sérologie VZV doit être demandée en cas de doute sur l’antécédent de varicelle dans le carnet de santé.
£ La vaccination contre la fièvre jaune est obligatoire pour les résidents de Guyane. En France hexagonale, cette vaccination n’est pas remboursée et doit se faire dans un centre de vaccination. Elle est fortement recommandée en cas de MICI avant traitement immunosuppresseur.
La varicelle étant très contagieuse et pouvant être particulièrement sévère chez un patient immunodéprimé, il est fortement recommandé de vacciner les patients avant traitement si le patient n’est pas immunisé : 2 doses à 1 mois d’intervalle.
Il est aussi très important de protéger l’entourage du patient (parents, fratrie) en assurant une vaccination grippe et ROR (2 doses) et une vaccination varicelle si non immunisé.
La recherche d’une tuberculose, latente ou patente est obligatoire avant de débuter une biothérapie ou un immunosuppresseur. Elle se fait par la réalisation :
- d’une radiographie de thorax de face
et
- Un test interféron-gamma (QuantiFERON-TB® ou T-SPOT.TB®).
Concernant spécifiquement les patients sous corticoïdes :
- Les traitements par corticoïdes locaux/inhalés ne contre-indiquent pas les vaccins vivants atténués ;
- En cas de corticothérapie orale ≤ 2mg/kg/j ou ≤ 10mg/j d’équivalent- prednisone non associée à un immunosuppresseur ou biothérapie, la vaccination par un vaccin vivant peut être réalisée. Pour des posologies supérieures, la vaccination est possible seulement si la corticothérapie est prescrite depuis moins de 2 semaines ;
- Les « bolus » de corticoïdes contre-indiquent l’administration d’un vaccin vivant dans les 3 mois suivants le bolus.
Après arrêt de la biothérapie ou des immunosuppresseurs, l’immunité du patient est restaurée entre 3 et 12 mois, suivant les critères pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de chaque molécule. Le plus souvent, on peut vacciner avec un vaccin vivant atténué 3 mois après l’arrêt de la biothérapie, 6 mois si traitement par rituximab.
Rattrapage vaccinal
Principes généraux :
- Si des doses ont déjà été administrées, on ne repart pas de zéro. Ces doses comptent.
- Tous les vaccins inactivés peuvent être administrés le même jour ou avec n’importe quel intervalle.
- Concernant les vaccins vivants, s’il est nécessaire de rattraper 2 vaccins, il est conseillé de les faire le même jour ou à au moins 1 mois d’intervalle.
- Le schéma de rattrapage dépend de la valence du vaccin, de l’âge au moment de la première dose, de l’âge au moment du rattrapage. Les modalités de rattrapages sont décrites sur le calendrier vaccinal: https://sante.gouv.fr/prevention-en- sante/preserver-sa-sante/vaccination/calendrier-vaccinal; et détaillées sur le site infovac : https://www.infovac.fr/docman-marc/public/fiches/1569-2-rattrapage- des-vaccinations-chez-l-enfant-et-l-adulte-2019/file;
- Si le statut vaccinal est inconnu, par exemple pour des enfants migrants, un rattrapage vaccinal est indiqué. Les sérologies pré-vaccinales utiles sont les sérologies des hépatites A et B et de la varicelle. De façon générale, il n’est pas dangereux d’administrer des vaccins à une personne éventuellement déjà immunisée contre le micro-organisme en question.
Exposition in utero et vaccination du nourrisson
En cas d’exposition fœtale aux biothérapies au-delà du 2e trimestre de grossesse (22 SA), la vaccination avec des vaccins vivants atténués est contre-indiquée au moins durant les 6 premiers mois de vie du nourrisson. Concernant spécifiquement l’exposition in utero à l’infliximab, la durée de contre-indication à la vaccination avec les vaccins vivants atténués est allongée à 12 mois, car un cas de BCGite fatale a été rapporté (ANSM-infliximab vaccination). Au besoin, un dosage plasmatique du médicament peut être effectué chez le nourrisson pour vérifier la bonne élimination de la biothérapie.
Concernant les immunosuppresseurs utilisés dans les MICI :
- le méthotrexate est tératogène donc contre-indiqué pendant la grossesse
- l’exposition in utero à l’azathioprine ou à la mercaptopurine ne contre-indique pas les vaccins vivants atténués chez le nourrisson.
Enfin, concernant les nouvelles molécules, très peu de données sont disponibles. Le Centre de Référence des Agents Tératogènes (CRAT – www.lecrat.fr) recense les données disponibles sur le sujet.
Contage varicelleux ou à la rougeole chez un enfant porteur d’une MICI et traité par immunosuppresseur/biothérapie
- En cas de contage varicelleux chez un enfant immunodéprimé non immunisé, il convient de prévoir un isolement et une surveillance renforcée du patient pendant 28 jours. En effet, des cas graves de varicelle sont décrits chez l’immunodéprimé non immunisé par une maladie antérieure ou la vaccination. La marche à suivre est détaillée dans le PAP dédié (https://pap-pediatrie.fr/immuno-infectio-parasito/ contage-varicelleux-chez-lenfant) :
- En cas de contage <4jours : immunoglobulines humaines spécifiques ou à défaut immunoglobulines polyvalentes +/- traitement anti-viral (aciclovir ou valaciclovir), même s’l n’y a pas de recommandation claire dans cette indication.
- En cas de contage >4 jours : un traitement anti-viral par aciclovir ou valaciclovir est souvent proposé par les centres, sans données claires sur le sujet.
- En cas de contage avec un proche immunocompétent non immunisé qui a été exposé à la varicelle :
- Vaccination du proche si contage du proche <3-5 jours. Attention, il est recommandé que la personne immunodéprimée ne soit pas en contact avec la personne récemment vaccinée pendant les 6 semaines suivant la première dose vaccinale (bien que rare, il y a une possibilité de transmission de la varicelle après le vaccin vivant atténué).
- Traitement du proche par aciclovir à la posologie de 20 mg/kg/6 h per os (dose maximale à 3200 mg/jour) ou par valaciclovir à la posologie de 20 mg/kg/8 h (dose maximale à 3000 mg/jour).
A noter qu’une personne qui a la varicelle est contagieuse 24 à 48 heures avant l’éruption jusqu’à l’apparition des croûtes. La transmission du virus VZV est aussi possible à partir des lésions cutanées de zona.
- On parle de contage rougeoleux pour des patients qui ont côtoyé une personne ayant eu la rougeole lorsque cette dernière était contagieuse soit 5 jours avant le début de l’éruption et jusqu’à 5 jours après. Les complications dues à la rougeole sont plus fréquentes et sévères en cas d’immunodépression. Ainsi, il est recommandé l’administration d’immunoglobulines polyvalentes quel que soit le statut vaccinal de l’enfant immunodéprimé. (https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/ VaccinationsRougeole01042015.pdf ).
Références
- https://professionnels.vaccination-info-service.fr/Recommandations-vaccinales specifiques/Patient-immunodeprime/Principes-generaux
- https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/vaccination/calendrier vaccinal
- https://www.infovac.ch/fr/les-vaccins/par-maladie/pneumocoques#:~:text=La%2 vaccination%20contre%20les%20pneumocoques,m%C3%A9ningite%2C%2 pneumonie%2C%20septic%C3%A9mie)
- https://www.infovac.fr/docman-marc/public/fiches/1569-2-rattrapage-des-vaccinations chez-l-enfant-et-l-adulte-2019/file
- https://www.lecrat.fr/medicament-grossesse/
- https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-01/fiche_synthese rattrapage_vaccinal_migrants_primo_arrivants.pdf
- https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/VaccinationsRougeole01042015.pdf
L’ensemble des documents, recommandations et informations
se rapportant au Groupe Francophone d’Hépatologie-Gastroentérologie
et Nutrition Pédiatrique se trouvent sur le site internet : www.gfhgnp.org