Recommandations d’experts 2025
Noël Peretti, Camille Jung (Créteil), Marc Bellaiche (Paris)
et l’ensemble du Conseil d’Administration du GFHGNP
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Problématique
Les problèmes nutritionnels et gastroentérologiques sont fréquents parmi les enfants avec polyhandicap. La prévalence de la dénutrition est estimée à plus de 30%. Une densité minérale osseuse abaissée <-2 zscore est retrouvée chez 70% des enfants sévèrement polyhandicapés avec une incidence annuelle des fractures de 4%. L’amélioration de la qualité de vie est l’objectif principal de la prise en charge.
Méthodologie
Fiche élaborée à partir des recommandations de la Société Européenne de Gastro-entérologie, Hépatologie et Nutrition Pédiatrique (ESPGHAN) (1) par un groupe d’experts du GFHGNP.
Le risque de dénutrition est augmenté par :
- Difficultés à exprimer sa faim.
- Troubles de la posture ou de coordination motrice.
- Troubles de la déglutition avec fausses routes.
- Reflux gastro-oesophagien (RGO).
- Complications liées à la maladie responsable du polyhandicap (convulsions…).
Aspects gastro-intestinaux
Tableau1 : Principaux problèmes gastro-intestinaux chez les enfants poly handicapés :
Troubles de la prise orale | Troubles dentaires : gênant pour mastiquer Troubles de la posture (scoliose, rétractions,…) : gênant pour avaler Troubles de la déglutition : – Interroger sur : histoire alimentaire, fausses-routes, infections respiratoires à répétition. – Observer une prise alimentaire par un professionnel formé. – Confirmer par radio-cinéma de la déglutition +/- manométrie œsophagienne à haute résolution si disponible. – Prise en charge par orthophoniste. |
Reflux Gastro-Oesophagien | Diagnostic par pHmétrie, ou pHimpédancemétrie et/ou endoscopie haute. NB : possibilité de traitement d’épreuve par IPP. Prise en charge : – IPP en première intention. – Épaississement de la nutrition entérale et formules avec lactosérum. – Chirurgie anti-reflux : seulement si échec IPP, non systématique en cas de pose de gastrostomie, seulement après bilan (endoscopie haute avec biopsies, +/- TOGD, pHmétrie…). |
Constipation | Rechercher systématiquement par interrogatoire, examen abdominal, +/- toucher rectal pour fécalome. Prise en charge : – Optimiser les apports hydriques. – Traitement laxatif standard (si fausses routes, contre-indiquer le polyéthylène-glycol et le sirop de paraffine). – Augmenter l’apport en fibres, solution de nutrition entérale avec fibres. |
Aspects nutritionnels
Évaluation
Clinique : cf tableau 2
Bilan biologique
Bilan annuel chez patient stable, équilibre ionique, fonction rénale, bilan hépatique, métabolisme osseux, micronutriments, pour détail cf tableau 2.
Prise en charge
La voie orale sera privilégiée à la NE. Attention d’atteindre un volume d’hydratation suffisant, cf tableau 2.
Si privilégié la Nutrition Entérale (NE)
Produits :
Première intention : solutions polymériques standard isoénergétiques multifibres. Éviter les « préparations maison » (risques de carences).
Si prise de poids insuffisante ou mauvaise tolérance du volume : solution hyper- énergétiques (1,5 kcal/ml).
Si prise de poids trop importante notamment chez enfants à mobilité réduite une fois la réhabilitation nutritionnelle réalisée : solutions hypoénergétiques, hypolipidiques enrichies en fibres et micronutriments permettant d’éviter les carences en vitamines et oligoéléments (attention pour ces solutions, vérifier le remboursement en ville).
Modalités
La NE nocturne est conseillée, éventuellement associée à des bolus en journée.
Si nécessité de gastrostomie et anti-reflux
Indications
Fausses routes, apports insuffisants, durée des repas trop longue, épuisement parental.
Voie d’abord
Gastrostomie à privilégier à la sonde nasogastrique pour le confort de l’enfant (sonde gastrojéjunale si RGO important).
Chirurgie anti-reflux
Non systématique car patients fragiles à risques de complications, mais à discuter au cas par cas et après bilan (tableau 2).
La NE sur gastrostomie diminue les fausses routes mais peut augmenter un RGO.
Tableau 2 : évaluation et prise en charge nutritionnelle de l’enfant atteint de polyhandicap.
Soins nutritionnels aux enfants polyhandicapés par une équipe multidisciplinaire : médecin, diététicien, infirmière, orthophoniste, kinésithérapeute, psychologue, ergothérapeute.
Évaluation | Pris en charge |
État nutritionnel : – Clinique/6mois : P, T, hauteur talon-genou, plis cutanés, PB. – Biologique/an : micronutriments (ex : Ca, P, VitD, Fe…). – Radiologie : DXA. | Orale : – À privilégier – ANC population générale selon âge et sexe (énergie, protéine, micronutriments). – Enrichir en protéines si apports bas ou escarres. – Hydratation à surveiller +++ (attention avec solutions d’entérale de type énergie). |
Signes d’alerte : – Poids : stagnation. – Taille : ralentissement (courbes standard population générale). – Pli cutané et PB <10° percentile. – Troubles trophiques escarres… | Entérale : – Si temps total repas >3h/j, fausses routes importantes, apports insuffisants. – Gastrostomie à privilégier. – Éviter alimentation maison mixée en entérale 1ere intention : solution polymérique isoénergétique. – Si mauvaise tolérance des volumes : solution hyperénergétique. – Enfants non mobiles après réhabilitation nutritionnelle : solution hypocalorique. – Si RGO : épaissir ou formule avec lactosérum. – Adapter les objectifs nutritionnels à sa pathologie de base, à son activité et son état nutritionnel. |
Bilan biologique : – NFP, ferritine, ionogramme sanguin, ASAT, ALAT, GGT, bilirubine, vitamines ADE, B12, Zinc, PTH. |
Conclusion : points d’attention
- Parents et accompagnants : les inclure précocement dans toutes les étapes de la prise de décision (modification de l’alimentation, recours éventuel à la NE, pose de gastrostomie…), savoir respecter leurs hésitations et les accompagner dans la prise de décision. La prise en charge doit être multidisciplinaire.
- Les référentiels : utiliser les courbes de croissances et ANC qui sont ceux de la population générale. Il existe des courbes spécifiques en fonction du stade du handicap (2) mais il s’agit de courbes descriptives et non de référence pour un état de santé optimale.
- Plis cutanés et hauteur talon-genou doivent être des mesures faites en routine chez l’enfant avec polyhandicap. Évaluer le panicule adipeux grâce aux équations utilisant les plis cutanés (3).
- L’hydratation : maintenir une hydratation suffisante notamment si utilisation de produits hyper-énergétiques.
- Les protéines : supplémentation si apports inférieurs aux ANC et/ou escarres.
Bibliographie
- Romano C, et al. European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology and Nutrition Guidelines for the Evaluation and Treatment of Gastrointestinal and Nutritional Complications in Children With Neurological Impairment. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2017 Aug;65(2):242-264.
- livre anglais avec courbes de croissance xxx…
- Slaughter MH, Lohman TG, Boileau RA, Horswill CA, Stillman RJ, Van Loan MD, Bemben DA. Skinfold equations for estimation of body fatness in children and youth. Hum Biol. 1988 Oct;60(5):709-23.
L’ensemble des documents, recommandations et informations
se rapportant au Groupe Francophone d’Hépatologie-Gastroentérologie
et Nutrition Pédiatrique se trouvent sur le site internet : www.gfhgnp.org