Recommandations d’experts 2025
Alexis Mosca,
et le Conseil d’Administration du GFHGNP
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Diarrhée associée aux antibiotuqes : rétablir le microbiote
Le microbiote intestinal représente l’ensemble des micro-organismes présents dans le tube digestif.
Il comprend environ 1014 bactéries dont le rôle est essentiel dans plusieurs fonctions physiologiques de l’organisme.
Il exerce notamment un effet barrière, protecteur vis-à-vis des bactéries pathogènes, il contribue au maintien d’un système immunitaire fonctionnel et joue un rôle métabolique.
Cela implique toutefois que l’équilibre du microbiote ne soit pas perturbé, ce qui peut se produire dans certaines circonstances.
Microbiote intestinal et antibiotiques : la dysbiose systématique
L’équilibre du microbiote intestinal peut être perturbé par les infections, le stress, les changements d’alimentation. Les traitements antibiotiques constituent l’un des facteurs les plus importants de déséquilibre(1).
En effet, beaucoup d’antibiotiques ont une excrétion biliaire au moins partielle et en conséquence, quelle que soit la voie d’administration, ceux-ci se retrouvent en forte concentration dans l’intestin et perturbent ainsi l’écosystème bactérien qui s’y trouve(2).
Cet effet sur le microbiote – appelé dysbiose – a été bien documenté. Elle apparaît dès les 24 premières heures de traitement et peut se poursuivre jusqu’à 6 semaines après l’arrêt de celui-ci(3).
Diarrhée associée aux antibiotiques mais aussi conséquences à long terme
La diarrhée associée aux antibiotiques (DAA) est une manifestation à court terme de la dysbiose. Chez les enfants, elle survient dans environ 10 % des cas, et plus souvent chez les enfants de moins de 2 ans, et plus particulièrement avec l’association amoxicilline/ acide clavulanique(4) (voir fig. 1 et 2). La DAA n’est pas la seule manifestation de la dysbiose due aux antibiotiques.

Figure 1. Incidence des épisodes de diarrhée en fonction de l’âge(4).

Figure 2. Incidence des épisodes de diarrhée dus à la prescription d’antibiotiques.
*P=0,003 versus tous les autres antibiotiques donnés ensemble(4).
La dysbiose secondaire à une antibiothérapie précoce peut être responsable d’effets à plus long terme. Des travaux montrent en effet que la prise d’antibiotiques pendant les 2 premières années de vie semble impliquée comme facteur de risque dans la survenue du syndrome de l’intestin irritable(5), du surpoids, de l’obésité(6), du diabète(7), d’allergies(8) et des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)(9,10) (voir fig. 3).
Figure 3. Effets à court, moyen et long terme de la dysbiose post-antibiotiques(11)

Rééquilibrer le microbiote pour prévenir la dysbiose et guérir la DAA
Les conséquences potentiellement graves de la dysbiose associée aux antibiotiques justifient qu’elle soit prise en charge et, en premier lieu, par des mesures préventives.
Avant tout, il faut bien sûr restreindre l’utilisation d’antibiotiques aux situations cliniques qui le justifient et utiliser les antibiotiques ayant le spectre le plus étroit possible(12).
En cas de nécessité de prise d’antibiotique, la prise de certains probiotiques peut permettre de prévenir la DAA et ainsi potentiellement mitiger également les effets à long terme de la dysbiose associée aux antibiotiques. Le probiotique doit toutefois répondre à certains critères précis(13) :
➣ La souche du probiotique doit être parfaitement identifiée. Les données obtenues avec une souche spécifique ne sont pas transposables à toute l’espèce. Selon la nomenclature, 3 mentions sont indispensables pour identifier un probiotique : le genre, l’espèce et la souche.
➣ Le probiotique doit être présent en quantité suffisante dans le produit commercialisé jusqu’à la date de péremption.
➣ Le probiotique doit se trouver en concentration suffisante pour exercer un effet bénéfique mesurable. En particulier, en cas de traitement antibiotique concomitant, le probiotique ne doit pas être détruit par les antibiotiques.
En effet, une étude in vitro récente menée sur 14 souches probiotiques exposées à 16 antibiotiques les plus fréquemment prescrits a montré que seule la souche de probiotique contenant des levures (S. boulardii CNCM I-745) s’est montrée insensible à tous les antibiotiques testés(14).
➣ Il ne doit y avoir aucune contamination par d’autres souches (potentiellement nocives).
➣ Le probiotique doit avoir fait la preuve de son efficacité au cours d’essais cliniques.
Que disent les recommandations ?
Une méta-analyse récente(15), de 33 études regroupant 6 352 participants a analysé l’effet préventif des probiotiques sur la survenue d’une DAA chez l’enfant. Il en résulte que d’une façon générale, les probiotiques réduisent le risque de DAA de 40% mais avec des effets différents en fonction des souches utilisées. Des essais cliniques ont ainsi montré l’efficacité du probiotique S. boulardii CNCM I-745 et celle de Lactobacillus rhamnosus GG. Pour les « autres » souches ou association de souches, il n’a pas été possible de tirer des conclusions définitives sur l’efficacité et la sécurité pour la prévention de la DAA chez l’enfant. Par ailleurs aucun effet indésirable grave n’a été observé dans les études analysées.
Ces données viennent confirmer les Recommandations du working group for Probiotics/Prebiotics: l’ESPGHAN qui recommande d’utiliser Lactobacillus rhamnosus (qualité de preuve modérée, recommandation forte) ou S. boulardii CNCM I-745 (qualité de preuve modérée, recommandation forte)(16).
Au total, la prescription d’un traitement antibiotique chez l’enfant pose la question du risque de DAA et des conséquences à long terme de la dysbiose associée lorsque ceux-ci sont prescrits au cours des 2 premières années de vie. Au-delà du choix avisé du traitement antibiotique prescrit, la prévention par un probiotique ayant montré son efficacité (voir tableau) peut être suggérée, en fonction de l’âge de l’enfant, de la classe d’antibiotique, des co-morbités et de la survenue d’épisodes précédents de DAA.
Prévention de la DAA chez l’enfant | Prévention de la diarrhée associée à Clostridium difficile chez l’enfant |
Le groupe de travail recommande d’utiliser S.boulardii CNCM I-745 Qualité de preuve : modérée Recommandation : forte | Le groupe de travail suggère d’utiliser S.boulardii CNCM I-745 Qualité de preuve : faible Recommandation : optionnelle |
Le groupe de travail recommande d’utiliser Lactobacillus rhamnosus GG Qualité de preuve : modérée Recommandation : forte |
Probiotiques ou association de probiotiques avec preuves insuffisantes pour émettre des recommandations |
Bacillus clausii |
Bacillus lactis/Streptococcus thermophilus |
L acidophilus/L bulgaricus |
L acidophilus/Bifidobacterium infantis |
L acidophilus/Bifidobacterium breve |
L rhamnosus GG/Bb-12/L acidophilus La-5 |
B longum PL03/L rhamnosus KL53A/L plantarum PL02 |
L rhamnosus E/N, Oxy, Pen |
L acidophilus/L rhamnosus/L bulgaricus/L casei/Str thermophilus/B infantis/B breve |
Bibliographie
- Marteau P: Diarrhées infectieuses et diarrhées dues aux antibiotiques. In : Le microbiote intestinal : un organe à part entière, Marteau P et Doré J. John Libbey Eurotext, 2017, p. 103-11.
- Ianiro G, Tilg H, Gasbarrini A. Antibiotics as deep modulators of gut microbiota: between good and evil. Gut. 2016;65:1906-1915.
- De la Cochetière MF et al.: Resilience of the dominant human fecal microbiota upon short-course antibiotic challenge. J Clin Microbiol, 2005;43:5588-92.
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- Klem F et al.: Prevalence, Risk Factors, and Outcomes of Irritable Bowel Syndrome After Infectious Enteritis: A Systematic Review and Meta-analysis. Gastroenterology 2017;152:1042-54.
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- Zeissig S, Blumberg RS. Life at the beginning: perturbation of the microbiota by antibiotics in early life and its role in health and disease. Nat Immunol. 2014;15:307-10.
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- Kolaek S, Hojsak I, Berni Canani R, Guarino A, Indrio F, Orel R, Pot B, Shamir R, Szajewska H, Vandenplas Y, van Goudoever J, Weizman Z; ESPGHAN Working Group for Probiotics and Prebiotics. Commercial Probiotic Products: A Call for Improved Quality Control. A Position Paper by the ESPGHAN Working Group for Probiotics and Prebiotics. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2017;65:117-124.
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- Szajewska H et al.: Probiotics for the Prevention of Antibiotic-Associated Diarrhea in Children. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2016;62:495-506.
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se rapportant au Groupe Francophone d’Hépatologie-Gastroentérologie
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