Recommandations d’experts 2025

Stéphanie Coopman, Stéphanie Willot, Delphine Ley
et l’ensemble du Conseil d’Administration du GFHGNP

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Figure 1. Prise en charge médicale de la maladie de Crohn pédiatrique

Avertissement

Cette fiche a été élaborée par un groupe d’experts du GFHGNP, à partir des recommandations conjointes de l’ European Society for Paediatric Gastroenterology Hepatology and Nutrition(ESPGHAN) et de l’European Crohn’s and Colitis Organisation (ECCO), publiées

en 2021 (Journal of Crohn’s and Colitis, 2021 ; 15 : 171–194).

Le traitement de la maladie de Crohn pédiatrique doit être personnalisé. Le tableau 1 présente les facteurs de risque d’évolution défavorable mis en évidence par certaines études (chirurgie précoce ou progression rapide des lésions intestinales).

Tableau 1. Facteurs de risque d’évolution péjorative

Classification de Paris* (au diagnostic)Autres facteurs de risqueNiveau de risque
B1Forme inflammatoire (non sténosante, non pénétrante)AucunBas
B1Forme inflammatoire (non sténosante, non pénétrante)Pas de rémission clinique et biologique à 12 semaines de traitementModéré
B1 + G1Retard de croissanceModéré
B1Maladie étendue (a) ou
ulcérations coliques profondes
Élevé
(L3 +L4)Maladie étendue (a)a ou
ulcérations coliques profondes
B1 + pLésions anopérinéalesÉlevé
B2Forme sténosante (b) AucunÉlevé
B2Forme sténosante (b)Dilatation pré- sténotique et/ou signes occlusifsÉlevé
B3Forme pénétrante (c)Élevé
*Levine A, Griffiths A, Markowitz J, et al. Pediatric modification of the Montreal classification for inflammatory bowel disease: the Paris classification. Inflamm Bowel Dis 2011; 17: 1314-1321.
a : inflammation de tout l’intestin (intestin grêle proximal, iléon terminal et côlon).
b : rétrécissement permanent de la lumière intestinale, à l’endoscopie ou à l’imagerie.
c : perforation colique, fistules intra-abdominales, masse inflammatoire et/ou abcès, à tout moment au cours de la maladie (en dehors de complications chirurgicales).

Cible thérapeutique et suivi de la réponse au traitement – (1)

Il n’y a pas de consensus sur le meilleur moment pour réévaluer l’activité de la maladie après le début du traitement d’induction.
L’évaluation clinique seule est insuffisante.
L’évaluation de l’atteinte transmurale par échographie intestinale ou imagerie par résonance magnétique peut être utilisée comme marqueur de la réponse au traitement.

La réponse endoscopique est généralement définie par une diminution d’au moins 50% par rapport à leur valeur de base des scores SES- CD (Simple Endoscopic Score for Crohn’s Disease) ou CDEIS (Crohn’s Disease Endoscopic Index of severity Score) ; la guérison muqueuse est généralement définie par l’absence d’inflammation macroscopique ou un score SES-CD <3 points.

Bien que la rémission histologique soit considérée comme une rémission plus profonde que la guérison muqueuse, son utilisation comme objectif thérapeutique est controversée.

Il n’y a pas de corrélation linéaire entre les taux de calprotectine fécale et l’intensité ou l’étendue de l’inflammation muqueuse.

Sa diminution (même importante) ne doit pas être considérée comme une véritable réponse au traitement si elle reste élevée.

Une diminution de la calprotectine fécale à <250 μg / g [limite supérieure de la fourchette cible] peut être considérée comme un indicateur fiable d’efficacité du traitement.

Pour les patients atteints de Maladie de Crohn luminale en rémission clinique, une augmentation significative de la calprotectine fécale doit être explorée et une escalade thérapeutique doit être envisagée.

Il n’est cependant pas recommandé d’adapter les traitements uniquement en fonction des taux de calprotectine fécale. Des études (adultes et pédiatriques) ont montré que l’association CRP et calprotectine était supérieure à la calprotectine fécale seule.

Après une résection iléocæcale, le risque de récidive est basé sur le score endoscopique de Rutgeerts (non validé chez l’enfant) si l’anastomose est accessible ou par vidéocapsule, entéro-IRM, échographie et calprotectine fécale dans le cas contraire.

Traitement d’induction

Nutrition entérale exclusive (NEE) – (2)

Une formule polymérique est préférable en NEE.

Des régimes alimentaires spécifiques (CD-TREAT et Crohn’s Disease Exclusion Diet [CDED]) pourraient être des alternatives pour les patients qui ne tolèrent pas la NEE, mais des études complémentaires sont nécessaires (évaluant entre autres la guérison muqueuse) avant que des recommandations puissent être établies.

Traitement d’entretien

Immunomodulateurs – (3)

Le méthotrexate peut être utilisé en première intention pour maintenir la rémission ou après échec ou intolérance aux thiopurines.

Le méthotrexate est tératogène : une contraception efficace doit être envisagée si besoin.

Traitement nutritionnel d’entretien – (4)

Chez les patients en rémission avec une maladie de Crohn à faible risque, un traitement nutritionnel d’entretien (au moins 50% des besoins énergétiques journaliers) peut prolonger la rémission.

Poursuite de l’anti-TNF en traitement d’entretien, en monothérapie ou combothérapie, avec surveillance proactive du taux résiduel d’infliximab (IFX) ou d’adalimumab (ADA) pour guider l’optimisation du traitement (fig. 2) ; après une résection chirurgicale : en règle générale un traitement de fond est repris après 4 semaines par thiopurine si le patient est naïf d’anti-TNF (avec une escalade par anti-TNF en cas de récurrence endoscopique) ou par anti-TNF si le patient en recevait avant la chirurgie. – (5)

Combothérapie par anti-TNF et immunomodulateur

Un arrêt de l’immunomodulateur doit être discuté après 6 à 12 mois de combothérapie si l’infliximabémie résiduelle est dans la fourchette cible et les cibles thérapeutiques sont atteintes.
Chez les patients naïfs d’anti-TNF recevant l’adalimumab, une monothérapie est une alternative à la combothérapie. – (6)

Chez des patients préalablement immunisés contre l’IFX ou chez des patients à haut risque, la combothérapie parait plus prudente.
Chez les patients avec une maladie active sous anti-TNF, il est recommandé de surveiller de façon pro active le taux résiduel d’IFX ou d’ADA pour guider les changements thérapeutiques : optimisation du traitement ou switch (fig. 2). – (7)

Chez les patients sous anti-TNF chez lesquels la rémission n’est pas obtenue ou non maintenue malgré une optimisation du traitement et l’association à un immunomodulateur, un traitement par ustekinumab ou vedolizumab peut être envisagé.

L’ustekinumab pourrait être utilisé en cas de maladie fistulisante périnéale active réfractaire aux anti-TNF mais les données sont rares. Le taux de succès du vedolizumab semble faible dans cette indication.

Ces traitements n’ont pas d’AMM dans les MICI de l’enfant et justifient la collaboration avec un centre expert. – (8)

Antibiothérapie adjuvante dans la maladie de Crohn fistulisante périnéale

Metronidazole 30 mg/kg/j, per os en 2 à 3 prises + ciprofloxacine 20 mg/kg/j, per os, en 2 prises. – (9)

Figure 2. Adaptation du traitement par anti-TNF selon le taux résiduel.

Le taux résiduel (TR) d’anti-TNF et le taux d’anticorps anti-drogue doivent être mesurés en cas de non réponse primaire à l’anti-TNF à la fin de l’induction (c’est-à-dire avant la 4ème perfusion d’IFX ou avant la 3ème injection d’ADA) et en cas de perte de réponse secondaire. La cible du TR est > 5 μg/ml pour l’IFX et > 7,5 μg/ml pour l’ADA.


L’ensemble des documents, recommandations et informations
se rapportant au Groupe Francophone d’Hépatologie-Gastroentérologie
et Nutrition Pédiatrique se trouvent sur le site internet : www.gfhgnp.org