Emmanuel Mas (Toulouse), Camille Jung (Créteil)
et les membres du Conseil d’Administration du GFHGNP
D’après l’ESPGHAN position paper (Homan et al., J Pediatr Gastroenterol Nutr 2021)
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Au cours des dernières années, le nombre d’enfants bénéficiant d’une gastrostomie a augmenté. Parallèlement, les contre-indications ont diminué, les techniques et les prises en charge ont évolué.
Décision de pose de gastrostomie
Lorsqu’un enfant nécessite une nutrition entérale pendant plus de 3 à 6 semaines, la pose d’une gastrostomie peut être discutée.
Les indications sont généralement :
- des apports nutritionnels insuffisants, chez un enfant ayant des besoins élevés ou des pertes augmentées lors de pathologies chroniques, voire des ingestas diminués lors de difficultés alimentaires ;
- des fausses routes à des fins de préservation pulmonaire.
Ces patients sont le plus souvent atteints de pathologies digestives, neuromusculaires, respiratoires (mucoviscidose, dysplasie bronchopulmonaire sévère, etc.), cardiaques ou de maladies héréditaires du métabolisme, rénales…
Il est essentiel d’avoir une évaluation pluri-disciplinaire (gastropédiatre, chirurgien, infirmière spécialisée, diététicien, orthophoniste) pour déterminer la technique la plus appropriée : gastrostomie percutanée endoscopique (GPE), voire chirurgicale ou radiologique, par technique push ou pull, bouton/sonde jéjunale transgastrique (J-GPE), voire jéjunostomie per endoscopique laparo-assistée (JPE-LA).
Les points à considérer pour la faisabilité sont :
- la présence d’un reflux gastro-œsophagien, avec éventuellement chirurgie anti-reflux combinée ;
- une cypho-scoliose marquée qui augmente le risque d’interpositions d’organes en avant de l’estomac et le recours à une aide chirurgicale laparoscopique.
Aucun examen systématique n’est nécessaire, mais dans ces situations une opacification (TOGD) peut être utile, voire une pH-métrie/impédancemétrie.
Les contre-indications absolues de la pose de gastrostomie sont des troubles sévères de la coagulation (INR > 1.5, TP < 50%, TCA > 50 s, plaquettes < 50000/mm3), une interposition évidente d’organe et une péritonite.
D’autres situations nécessitent une évaluation individuelle bénéfice/ risque : saignement, infection, difficulté de réalisation endoscopique, décompensation psychiatrique ; ou encore chez des enfants ayant une hypertension portale, de l’ascite, des antécédents de chirurgie abdominale, une cyphoscoliose, des troubles de l’hémostase mineure, une dialyse péritonéale, en aplasie.
Réalisation de la gastrostomie
Elle requiert une hospitalisation au cours de laquelle une formation de la famille sera réalisée. La technique pull utilisée depuis les années 1980 requiert une seconde endoscopie sous anesthésie générale au moins 6 semaines après pour retirer la sonde et la remplacer par un bouton. En France, elle est moins utilisée chez l’enfant depuis plus de 10 ans car la technique push permet de poser d’emblée un bouton/sonde de gastrostomie à ballonnet.
Lors de l’endoscopie, les principales étapes de la technique push sont :
- antibioprophylaxie avec une dose intraveineuse, qui prévient le risque d’infection de stomie, par amoxicilline-acide clavulanique ou céphalosporine de 2ème génération ;
- anesthésie locale avec un produit de demi-vie longue (naropeine) pour réduire la douleur post-opératoire ;
- vérification de l’absence d’interposition d’organe (transillumination, empreinte du doigt) ;
- gastropexie avec pose de 3 plots d’ancrage en tension « adaptée » ;
- mise en place du bouton/sonde avec trocart, dilatateur, mesureur.
On utilise le plus souvent des boutons à ballonnet de 12 à 16F et de 0,8 à 2,5 cm.
Dans certains cas, une alimentation jéjunale est nécessaire (par exemple en cas de RGO avec contre-indication opératoire, pince aorto-mésentérique). Il est alors possible de réaliser une J-GPE, soit d’emblée, soit avec une gastrostomie pré-existante. Un néonatoscope peut être introduit dans le dilatateur, ou dans une gastrostomie pré-existante, pour mettre un guide jusqu’en jéjunal qui permettra de positionner correctement la sonde. Une alternative est d’utiliser un endoscope standard, d’attraper dans l’estomac le fil situé à l’extrémité de la sonde avec un endoclip hémostatique, pour faire progresser la sonde en jéjunal et la fixer avec le clip ; sans clip, la sonde remontera dans l’estomac par frottement avec l’endoscope. Lorsqu’une alimentation post-pylorique est nécessaire au long cours, il est possible de réaliser une JPE-LA.
Utilisation de la gastrostomie
La réalimentation peut être démarrée dès 3 heures après la pose. On peut d’emblée utiliser une nutriton iso-calorique en l’absence d’allergie aux protéines du lait de vache. L’augmentation des volumes et le passage à une une nutrition concentrée se feront en fonction de la tolérance. Il n’y a pas de schéma d’alimentation recommandé ; l’alimentation par bolus la journée est plus physiologique, mais certains nécessiteront une alimentation entérale continue nocturne.
L’analgésie est souvent nécessaire pendant les 2 premiers jours.
Des soins locaux quotidiens avec antiseptiques sont recommandés pendant une semaine puis pansement avec compresses stériles. Des pansements occlusifs ne sont pas recommandés car ils favorisent les infections locales.
Après les soins se font à l’eau et au savon.
Après une semaine, la douche est autorisée si l’orifice de gastrostomie est cicatrisé. Le bain n’est pas autorisé tant que les plots d’ancrage sont en place.
Complications
Il existe des complications précoces et tardives d’une part et qui peuvent être mineures ou majeures.
De manière non exhaustive, on peut noter des complications infectieuses (abcès, cellulite, péritonite), digestives (pneumopéritoine symptomatique ou persistant plus de 3 jours après pose de GPE, fistule gastro-colique, RGO et vomissements, dumping syndrome), locales les plus fréquentes (tissu de granulation (bourgeon), infection, érythème), du matériel (obstruction, déplacement, fissure), respiratoire (pneumopathie d’inhalation), saignement (hémorragie lors de la pose, hématome)…
Retrait d’une gastrostomie
En l’absence d’utilisation après plusieurs mois, en général 3 à 6 mois, le retrait de la sonde/bouton est envisageable. L’orifice de gastrostomie se referme spontanément le plus souvent.
Cependant, une fistule peut persister dans 1/3 des cas, notamment lorsque la GPE est ancienne. L’utilisation d’inhibiteurs de la pompe à protons peut réduire ce risque. En l’absence de fermeture au-delà d’un mois, une fermeture chirurgicale ou endoscopique avec clip Ovesco doit être discutée.
Références
Homan M, Hauser B, Romano C, Tzivinikos C, Torroni F, Gottrand F, Hojsak I, Dall’Oglio L, Thomson M, Bontems P, Narula P, Furlano R, Oliva S, Amil-Dias J. Percutaneous Endoscopic Gastrostomy in Children: An Update to the ESPGHAN Position Paper. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2021 Sep 1;73(3):415-426. doi: 10.1097/MPG.0000000000003207. PMID: 34155150.
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