Eduardo COUCHONNAL, Dominique DEBRAY
et les membres du Conseil d’Administration du GFHGNP
Mai 2025

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La maladie de Wilson (MW) ou « dégénérescence hépato-lenticulaire » est une affection génétique de transmission autosomique récessive due à des mutations dans le gène ATP7B localisé sur le chromosome 13. Elle est caractérisée par un défaut d’incorporation du cuivre à la céruloplasmine et un défaut d’élimination du cuivre hépatique à l’origine d’une accumulation progressive de cuivre au niveau hépatique et secondairement au niveau oculaire et cérébral. La prévalence de la MW est estimée à 1/30.000-50.000, variable selon les origines ethniques et selon les pays.

Manifestations cliniques

Les manifestations hépatiques sont les circonstances habituelles de découverte de la maladie chez l’enfant avec un âge moyen au diagnostic de 10,5 ans. Les formes neuropsychiatriques sont plus fréquentes au-delà de 20 ans mais elles peuvent se manifester plus précocement dès l’âge de 10-15 ans. Les formes totalement asymptomatiques (absence de toute anomalie clinique et biologique) sont reconnues à l’occasion d’un dépistage familial. D’autres circonstances de découverte de la MW telles qu’une anémie hémolytique à test de Coombs négatif (après 7 ans), et des douleurs articulaires mimant une arthrite chronique juvénile, ont été observées.

Figure 1 : Données pédiatriques du Registre National – Centre de référence de la Maladie de Wilson et des anomalies du métabolisme du cuivre.

À partir de l’âge de 2 – 3 ans, toute manifestation hépatique doit faire rechercher une maladie de Wilson, notamment dans les situations suivantes : découverte d’une augmentation des transaminases, stéatose hépatique, hépatite chronique, cirrhose et insuffisance hépatocellulaire aiguë.
Les symptômes neurologiques sont d’installation progressive et observés le plus souvent après l’âge de 10 ans. Les principaux symptômes, souvent associés, sont les tremblements, dysarthrie, hypersalivation, dystonie, modification de l’écriture, et ataxie.

Les symptômes psychiatriques débutent aussi dans la 2ème décennie de vie et sont très variables, incluant un syndrome dépressif, un trouble bipolaire, un changement de personnalité, un comportement addictif et une psychose.

Diagnostic

La possibilité d’une MW doit être envisagée devant toute manifestation hépatique ou neurologique. Le diagnostic repose sur un faisceau d’éléments cliniques, biologiques, radiologiques et génétiques (Figure 2). L’utilisation du score de Leipzig peut apporter une aide au diagnostic3.

Figure 2 : Démarche diagnostique de la MW en 3 étapes.

Sur le plan biologique, il est essentiel de rechercher une anomalie du bilan cuprique : diminution de la cuprémie totale (Cu), de la céruloplasminémie (Cp), augmentation de l’excrétion urinaire du cuivre (CuU24h), augmentation du cuivre échangeable (CuEXC) (c’est-à-dire du cuivre non lié à la céruloplasmine) et surtout du cuivre échangeable relatif (REC).

Céruloplasminémie (Cp)

Une diminution de la Cp est évocatrice d’une MW, notamment quand le taux est inférieur à <0.10 g/L. Les concentrations peuvent être également diminuées physiologiquement chez le nourrisson < 1 an, chez les porteurs hétérozygotes sains, en cas d’insuffisance hépatocellulaire (IHA), syndrome néphrotique, anomalies de la glycosylation des protéines (CGD syndrome) ainsi que dans d’autres maladies du métabolisme du cuivre (Menkes, acéruloplasminémie). À l’inverse, près de 20% des enfants peuvent avoir un dosage de Cp normal.

Cuprémie (Cu)

La Cu est habituellement diminuée chez les patients atteints d’une MW (en dehors d’une IHA) mais elle n’est pas un marqueur très sensible ni spécifique et isolément n’a pas de valeur diagnostique. Le dosage est surtout utile pour calculer le REC. La découverte d’une diminution de la cuprémie doit faire réaliser un dosage du Cuivre échangeable et calculer le REC.

Cuivre urinaire des 24h (CuU24h)

Une excrétion du CuU24h >1.6 µmol/24 h (>100 µg/24 h) est fortement évocatrice de MW. Il a été proposé de diminuer ce seuil à 0.64 µmol/24 h (40 µg/24 h) chez l’enfant pour augmenter son rendement diagnostic4. Le test à la D-Pénicillamine (DP) qui correspond au dosage du CuU24h après une prise unique de 900mg de DP (ou 450mg matin et soir selon les références) peut être utile.

Cuivre échangeable (CuEXC) et REC

Le CuEXC correspond à la portion labile du cuivre lié à l’albumine et à d’autres protéines. Le ratio CuEXC/Cu correspond au REC. Plusieurs études confirment l’excellente sensibilité et spécificité de ce biomarqueur pour le diagnostic de MW 5, 6, 7. Une large étude en cours de publication confirme qu’un REC > 14% a une sensibilité et spécificité proches de 100% pour le diagnostic de MW chez l’enfant comme chez l’adulte. Peu de faux négatifs (5% ) et d’exceptionnels faux positifs notamment en cas d’acéruloplasminémie sont possibles.

Biologie moléculaire

La recherche de variants du gène ATP7B est nécessaire pour confirmer le diagnostic et réaliser le dépistage familial de la MW. Il est possible que des variants soient détectés de façon fortuite lors de la réalisation d’une étude d’un panel de gènes par séquençage à haut débit, ou d’un génome réalisé pour une indication autre. Dans cette situation, il est indispensable de confirmer l’existence d’une altération du bilan cuprique avant d’envisager le traitement.

Biopsie hépatique

La biopsie hépatique n’est plus réalisée systématiquement pour le diagnostic de la MW mais elle garde une place en cas de diagnostic douteux ou d’impossibilité de réaliser des examens moins invasifs (REC / biologie moléculaire).
Une valeur > 4µmol (>250 µg)/g de poids sec de cuivre intra hépatique est en faveur d’une MW. De faux positifs en cas de cholestase ou faux négatifs (hétérogénéité de la distribution du Cuivre hépatique) sont possibles.

Anneau péri cornéen de Kayser-Fleischer (AKF)

Un AKF doit être recherché à l’examen à la lampe à fente mais il est rarement noté chez l’enfant (32% des formes hépatiques ; 13,7% avant 10 ans ; jamais avant 7 ans). En cas de forme neurologique l’AKF est presque constant (95%).

IRM cérébrale

La réalisation d’une IRM cérébrale est recommandée à partir de l’âge de 6-7 ans même en l’absence de symptomatologie neurologique. Les lésions le plus souvent retrouvées correspondent à des hypersignaux T2 bilatéraux et symétriques au niveau des noyaux gris centraux.

Dépistage familial

Compte tenu du caractère récessif de la transmission de la MW, le dépistage de la fratrie doit être systématique (à partir de l’âge de 2-3 ans). Le dépistage est également recommandé chez les parents, et les apparentés du 2ème degré, surtout en cas de consanguinité sans limite d’âge. Le dépistage anténatal ou néonatal n’est pas indiqué.

Traitement

Le traitement doit être instauré d’emblée dès le diagnostic. Les formes sévères avec décompensation œdémato-ascitique et insuffisance hépatique imposent une hospitalisation dans un service spécialisé d’hépatologie et de transplantation hépatique. En dehors des cas de MW révélés par une IHA et encéphalopathie hépatique, les indications de transplantation hépatique (TH) sont exceptionnelles chez l’enfant sous réserve d’une bonne observance thérapeutique. Une TH peut être considérée en raison d’une détérioration sur le plan neurologique malgré le traitement chélateur, avec des résultats encourageants.

Conduite du traitement médical

Le traitement repose d’une part sur les chélateurs du cuivre ou les sels de Zinc (table 1), et d’autre part sur un régime alimentaire pauvre en cuivre (<1 mg d’apport de cuivre/jour jusqu’à la rémission clinique et/ou biologique ; puis 1 à 3 mg de cuivre par jour) (https://www.crmrwilson.com/conseils-alimentaires/).
Les chélateurs du cuivre comprennent la D-pénicillamine (DP) (Trolovol®), et les sels de Trientine : Dichlorhydrate de trientine (Cufence® ou générique Waymade), Tétrachlorhydrate de trientine (Cuprior®). Les sels de Zinc disponibles incluent l’acétate de zinc (Wilzin®) ou sous forme de préparation magistrale.
L’acétate de Zinc est indiqué dans les formes asymptomatiques (screening familial) ou pauci-symptomatiques (augmentation modérée et isolée des transaminases) alors que la DP est indiquée en première intention dans les formes symptomatiques hépatiques et/ou neurologiques. En France, les 2 sels de Trientine ont l’AMM en traitement de seconde intention en cas d’évènements indésirables liés à la DP.
Le traitement par DP ou sels de Trientine doit être initié à doses croissantes (augmentation de la posologie une fois par semaine) pour atteindre la dose d’entretien en 3-6 semaines environ. L’existence de signes neurologiques impose un avis spécialisé et une augmentation plus lente des chélateurs.
Quel que soit le traitement, celui-ci doit être poursuivi à vie y compris pendant la grossesse. Dans ce dernier cas la posologie est diminuée de 20 à 30% pour éviter une carence en cuivre chez le fœtus. Il n’y a pas de contre-indication à l’allaitement maternel mais il est recommandé de privilégier un allaitement mixte pour éviter une carence en cuivre chez l’enfant.

Événements indésirables

Les principaux évènements indésirables conduisant à l’arrêt de la DP (15 à 30% des cas) sont :

  • soit précoces en général au cours du 1er mois de traitement : rash cutané avec parfois fièvre et hyperéosinophilie, et agueusie.
  • soit plus retardés : leuconeutropénie, thrombopénie, atteinte rénale, lupus like, autres manifestations dysimmunes de type myasthénie, dermatomyosite, arthrite.
  • soit tardifs le plus souvent au-delà de 10 ans de traitement : élastopathie (atteinte des fibres élastiques cutanées), élastome serpigineux perforans…
    Les évènements indésirables aux sels de Trientine sont rares : syndrome Lupus like, anémie sidéroblastique.
    Les sels de Zinc sont souvent à l’origine de troubles digestifs (nausées, vomissements, douleurs abdominales) qui impactent l’observance du traitement.

Suivi thérapeutique

Un suivi pluridisciplinaire peut être nécessaire, même dans les formes hépatiques en apparence isolées, pour bilan neuropsychologique, diverses consultations spécialisées (hépatologie, neurologie, dermatologie, rhumatologie, diététique, psychologie, psychiatrie, kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie… ). L’existence de signes neurologiques nécessite toujours un suivi neurologique spécialisé. L’observance du traitement est un enjeu majeur.
Un suivi clinique et biologique est recommandé initialement tous les 3 mois durant la première année de traitement puis tous les 6 mois, que l’enfant soit symptomatique ou non afin de contrôler l’efficacité, la tolérance et l’observance du traitement

Les paramètres biologiques de surveillance comprennent au minimum :

  • bilan hépatique, NFS plaquettes, TP/INR et dosage du CuEXC et de la cuprurie/24 hrs à un mois du début de traitement, puis tous les 3 mois la première année, puis tous les 6 mois au-delà.
  • échographie hépatique couplée à un Fibroscan® et/ou une élastométrie une fois par an pour suivre l’évolution de l’atteinte hépatique : stéatose hépatique, degré de fibrose hépatique, signes d’hypertension portale, dépistage du carcinome hépatocellulaire en cas de cirrhose.

Les objectifs thérapeutiques sont :

  1. la régression des symptômes hépatiques (ascite, cytolyse, insuffisance hépatique), l’amélioration des valeurs d’élastométrie hépatique, l’amélioration ou la régression des symptômes neurologiques.
  2. la normalisation progressive du CuEXC avec pour objectif un dosage de 0,5 à 0,8 M/l, et le maintien de la cuprurie/24 hrs entre 3 et 8 M (sous chélateurs) et entre 0,5 et 1,2 M (sous sels de Zinc).

Le traitement ne doit être instauré que par des spécialistes expérimentés dans la prise en charge de la maladie de Wilson.


Table 1 : Traitement de la maladie de Wilson chez l’enfant : options thérapeutiques, posologies et objectifs thérapeutiques

 Acétate de Zinc Wilzin® Gélules de 25 et 50 mg  D-Penicillamine Trolovol® Comprimés de 300 mgTrientine Cufence® ou Waymade : capsules de 200 mg , ou Cuprior® comprimés de 150 mg
PosologieEnfants : •< 6 ans : 50 mg/jour en 2 prises •Âge 6 -16 ans et poids < 50 kg: 75 mg /jour en 3 prisesEnfants : •Début de traitement 150 à 300 mg/jour augmentation une fois par semaine jusqu’à 20 mg/kg/jour   •Dose de maintenance : 10-20 mg/kg/jourEnfants : •Début de traitement Cufence ou générique 200 mg/jour augmentation une fois par semaine jusqu’à 20 mg/kg/jour Cuprior 150 mg/jour augmentation une fois par semaine jusqu’à 450 à 600 mg •Dose de maintenance: Cufence ou générique 10-20 mg/kg/jour Cuprior 450 mg-900 mg/jour en 2 ou 3 prises
 Adolescents : •Âge > 16 ans et poids > 50 kg 150 mg/jour en 3 prisesAdolescents : •Début de traitement 900 mg à 1500 mg chez adolescents (poids > 50 kg) en 2 ou 3 prises •Dose de maintenance 750 mg -1200 mg/jour en 2 ou 3 prisesAdolescents : •Début de traitement : Cufence ou générique 800 mg à 1200 mg chez adolescents (poids > 50 kg) en 2 ou 3 prises Cuprior 600 mg à 900 mg chez adolescents (poids > 50 kg) en 2 ou 3 prises •Dose de maintenance : Cufence ou générique 600 mg -1200 mg/jour en 2 à 4 prises Cuprior 450 mg-900 mg/jour en 2 ou 3 prises
Mode d’AdministrationEstomac vide 1h avant or 2h après le repasEstomac vide 1h avant or 2h après le repasEstomac vide 1h avant or 2h après le repas
Objectifs thérapeutiques en phase de maintenanceNormalisation des ALT à 1 an Dosage du CuEXC 0,4 – 0,8 mM/l Cuprurie : 0.5–1.2 mmol/24 h (30-75 mg/24 h) Zinc sérique >125 mg /dl Zinc urinaire >2 mg/24 hNormalisation des ALT à 6 mois Normalisation du TP/INR à 1 an Dosage du CuEXC 0,4- 0,8 mM/l Cuprurie : 3-8 mmol/24 h (200-500 mg/24 h)Normalisation des ALT à 6 mois Normalisation du TP/INR à 1 an Dosage du CuEXC 0,4 – 0,8 mM/l Cuprurie : 3-8 mmol/24 h (200-500 mg/24 h)

Réponse au traitement

Les doses de médicaments sont ajustées selon les résultats des dosages du CuEXC et de la cuprurie des 24h, indispensables pour détecter une mauvaise observance ou une carence en cuivre. La cytolyse hépatique régresse habituellement dans un délai de 6 à 12 mois suivant le début du traitement. L’insuffisance hépatique peut mettre plusieurs mois avant de se corriger. Parmi les symptômes neurologiques, le tremblement, l’hypertonie des membres et l’akinésie répondent souvent mieux au traitement que les dystonies axiales et la dysarthrie. Les troubles du comportement s’estompent après plusieurs années.
Une aggravation secondaire de l’atteinte hépatique ou neurologique doit faire évoquer une mauvaise observance du traitement, qui peut être suspectée lorsque le dosage du CuEXC remonte.

En conclusion

La MW est une maladie rare, dont l’expression clinique est variable et la prise en charge thérapeutique parfois difficile. Il est recommandé pour tout patient atteint de MW de prendre un avis spécialisé auprès d’un des centres de référence ou de compétence pour la MW du réseau maladies rares (Figure 3). Le CRMR Wilson organise mensuellement des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) nationales qui permettent de partager différentes situations médicales (mise en route du traitement, échappement thérapeutique, évènement indésirable, …).

Figure 3 : Réseau CRMR Wilson en 2024

Références

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  2. Sandahl, T. D. et al. The Prevalence of Wilson’s Disease: An Update. Hepatology 71, 722–732 (2020).
  3. 8th International Conference on Wilson Disease and Menkes Disease. Leipzig, Germany, April 16-18, 2001. Abstracts. Z Gastroenterol 39, 245–260 (2001).
  4. Nicastro, E., Ranucci, G., Vajro, P., Vegnente, A. & Iorio, R. Re-evaluation of the diagnostic criteria for Wilson disease in children with mild liver disease. Hepatology 52, 1948–1956 (2010).
  5. Guillaud, O. et al. Relative exchangeable copper: A valuable tool for the diagnosis of Wilson disease. Liver Int 38, 350–357 (2018).
  6. El Balkhi, S. et al. Relative exchangeable copper: a new highly sensitive and highly specific biomarker for Wilson’s disease diagnosis. Clin Chim Acta 412, 2254–2260 (2011).
  7. Mariño, Z. et al. Benefits of using exchangeable copper and the ratio of exchangeable copper in a real-world cohort of patients with Wilson disease. J Inherit Metab Dis 46, 982–991 (2023).
  8. Chevalier, K. et al. Eye Involvement in Wilson’s Disease: A Review of the Literature. Journal of Clinical Medicine 11, 2528 (2022).
  9. Shribman, S., Poujois, A., Bandmann, O., Czlonkowska, A. & Warner, T. T. Wilson’s disease: update on pathogenesis, biomarkers andtreatments. J Neurol Neurosurg Psychiatry 92, 1053–1061 (2021).

Fiche réalisée avec le support institutionnel de

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