Recommandations d’experts 2025
D’après la présentation du Dr Dominique Guimber,
Unité de Gastroentérologie Hépatologie Nutrition, CHRU de Lille
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1er cas clinique
Anna, née le 25 juin 2015 à terme avec un poids de 3kg 600 ; 4ème enfant sans antécédents familiaux particuliers, en dehors d’une sœur asthmatique.
Elle a été allaitée pendant 4 jours, puis alimentée par une formule infantile classique. Elle est sortie de la maternité à J5 avec un poids de 3kg 400.
A J15, les parents consultent leur médecin traitant car elle vomit depuis 2 jours et présente des selles liquides depuis la veille. A l’examen, elle est pâle, cernée, marbrée, ses extrémités sont froides, elle pèse 2kg 880 (perte de poids >10%). Le SAMU est appelé au cabinet médical et elle est hospitalisée après un remplissage de 40 ml de sérum salé isotonique.
Le bilan réalisé à l’hôpital confirme la déshydratation avec une hypernatrémie et une acidose métabolique. Elle est perfusée pendant 3 jours. Le diagnostic retenu est celui d’une gastro-entérite aiguë, mais les prélèvements virologiques sont négatifs. Compte tenu de cette « gastro-entérite » sévère et de son âge, elle est réalimentée par un hydrolysat poussé de protéïnes. Elle boit bien et reprend du poids.
Deux jours après sa sortie, elle présente à nouveau une diarrhée avec des selles très fréquentes et des signes de déshydratation. Elle est à nouveau hospitalisée et perfusée. L’alimentation est reprise avec une formule à base d’acides aminés, mais, devant une diarrhée profuse persistante, elle est transférée en unité de soins intensifs de néonatologie.
Les fibroscopies haute et basse sont normales, mais les biopsies gastriques, duodénales et rectales mettent en évidence la présence de polynucléaires éosinophiles à un taux anormal (N<15/champ au grossissement par 400) dans 3 sites : 17/champ au niveau du bulbe, 25 dans le duodénum et 150 dans le rectum. Les tests allergiques sont négatifs.
Une nutrition parentérale exclusive est mise en place pendant 15 jours, la diarrhée cesse au 10ème jour et la formule à base d’AA est reprise progressivement sur 7 jours sans rechute.
Anna souffre donc d’une forme sévère de syndrome d’entérocolite induite par les protéïnes alimentaires ou SEIPA.
Le SEIPA : ce qu’il faut savoir (1)
Le SEIPA est caractérisé par des signes digestifs, surtout des vomissements, mais aussi une diarrhée, parfois compliqués d’un choc hypovolémique, de pâleur et de léthargie, survenant dans les 3 à 6 heures après l’ingestion de l’aliment responsable, principalement la lait de vache, le soja ou le riz. Les symptômes débutent généralement au cours du premier mois de vie avec une médiane à J20 dans les SEIPA au lait. Le diagnostic est clinique.
Le traitement repose sur un régime d’exclusion et une préparation à base d’aminoacides. Dans les formes aiguës sévères, comme l’a présentée Anna, le remplissage peut être associé à une corticothérapie intraveineuse. L’évolution est plus longue que celles des autres types d’ALPV. L’éviction des PLV et la prescription d’une formule à base d’aminoacides doit le plus souvent être prolongée jusqu’à 2 à 3 ans, voire 4 ou 5 ans. La tolérance est acquise dans 75% des cas à 3 ans.
2ème cas clinique
Louis, 10 ans, présente depuis un an, une gène à la déglutition des aliments solides. Il consulte aux urgences pour une dysphagie aiguë avec blocage d’un morceau de viande de porc, suivie de vomissements à chaque tentative de reprise alimentaire solide. Un TOGD est pratiqué : il ne retrouve ni corps étranger, ni sténose, ni signe d’achalasie.
La fibroscopie montre des stries longitudinales et des nodules au tiers moyen de l’œsophage. Les biopsies oesophagiennes étagées révèlent sur 3 sites des lésions d’œsophagite avec un abondant contingent de PN éosinophiles (15 à 20/champ).
Le dosage des IgE spécifiques, les prick tests et les patchs tests sont négatifs au lait, au blé, à l’œuf, au soja, à l’arachide, au poisson et à la viande (poulet, porc, bœuf).
Il sort de l’hôpital avec un traitement de 2 mois par un inhibiteur de la pompe à protons (IPP). Une fibroscopie de contrôle à la fin de ce traitement montre un dépôt blanchâtre diffus avec une augmentation des éosinophiles entre 35 à 45/champ aux 3 sites.
De nouveaux épisodes de blocage avec du poulet et du porc sont survenus. Les IgE spécifiques pour le porc sont à 0,11kU/l, à 0,33 kU/l pour le boeuf, 0, 91 kU/l pour la dinde, et 4,58 kU/l pour le poulet.
Devant l’échec du traitement par IPP, les difficultés lors de la consommation de porc et de poulet et la positivité des IgE pour le poulet, un régime avec éviction du porc et du poulet est mis en place, sans effet notable sur la symptomatologie, la prescription d’une formule à base d’aminoacides est préconisée mais elle est difficilement acceptée à cet âge, effectivement Louis la refuse.
Il est donc décidé de débuter un traitement par fluticasone (500ugX2/j) à déglutir avec un bon résultat clinique : les symptômes s’amendent, Louis ne présente plus de gène à la déglutition. Une nouvelle endoscopie réalisée trois mois plus tard met en évidence la persistance de stries longitudinales et de nodules dans le tiers supérieur de l’oesophage mais une diminution des éosinophiles (10/champ) sur les 3 sites.
Oesophagite à éosinophiles : ce qu’il faut savoir
Les recommandations de prise en charge de l’oesophagite à éosinophiles ont été actualisées en 2014, elles sont résumées dans l’arbre décisionnel (voir page suivante (3)). Elles précisent que les formules d’aminoacides sont indiquées dans les allergies alimentaires multiples, en cas de maladie sévère ne répondant pas au régime d’éviction, surtout chez l’enfant jeune. La durée du traitement est de 4 semaines.

Ce qu’il faut savoir sur les formules à base d’aminoacides et leurs indications
Ces formules sont dénuées de protéines, les seules traces éventuelles présentes proviennent de contaminants issus des amidons et des fractions lipidiques. Elles doivent démontrer qu’elles n’entraînent pas de réactions allergiques chez 90% des patients ayant une allergie confirmée. Aucun mélange, ni additif, ni épaississant ne doit être utilisé.
Les produits disponibles en France sont : Neocate, Neocate Advance après 1 an, Nutramigen AA. Elles sont remboursées, mais beaucoup plus chères que les hydrolysats de protéines.
Les indications d’emblée des PAA ont été définies, en 2012, par le Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie (4) : Persistance des symptômes de l’APLV sous hydrolysat poussé de protéines
• APLV sévères IgE-médiées avec choc anaphylactique
• Certaines formes cliniques de l’APLV : gastro-entéro-colo-proctite non IgE-médiée avec retard de croissance, SEIPA, eczéma atopique sévère avec hypotrophie
• Symptômes survenant sous allaitement maternel exclusif
• Allergies alimentaires multiples
• Oesophagite à éosinophiles.
Références
- Vandenplas Y, Koletzko S, Isolauri E, et al. Guidelines for the diagnosis and management of cow’s milk protein allergy in infants. Arch Dis Child. 2007 ; 92 : 902-8.
- Koletzko S, et al. Non-IgE-mediated gastrointestinal food allergy. J Allergy Clin Immunol 2015 ; 135:1114-24.
- Papadopoulou A, Koletzko S, Heuschkel R et al. Management guidelines of eosinophilic esophagitis in childhood. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2014 ; 58 : 107-18.
- Dupont C, Chouraqui JP, de Boissieu D, et al. Dietary treatment of cows’ milk protein allergy in childhood: a commentary by the Committee on Nutrition of the French Society of Paediatrics. Br J Nutr. 2012 _ 107 : 325-38.
L’ensemble des documents, recommandations et informations
se rapportant au Groupe Francophone d’Hépatologie-Gastroentérologie
et Nutrition Pédiatrique se trouvent sur le site internet : www.gfhgnp.org