Recommandations d’experts 2024

Camille Jung (Créteil), Marc Bellaiche (Paris)
et l’ensemble du Conseil d’Administration du GFHGNP

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Par définition, la diarrhée aiguë consiste en une modification de la consistance des selles (molles ou liquides) et/ou en une augmentation du nombre (≥ 3/j). La durée est généralement inférieure à 7 jours. Il s’y associe fréquemment des vomissements et de la fièvre. En Europe, les enfants de moins de 3 ans ont 0,5 à 2 épisodes de diarrhée aiguë par an 1. Il s’agit majoritairement d’infections à Norovirus, Rotavirus ou Adénovirus alors que Campylobacter et Salmonella sont les bactéries les plus souvent en cause 2. À noter que les co-infections avec plusieurs germes ne sont pas rares 3.

La diarrhée aiguë peut se compliquer d’une déshydratation, qui peut être sévère.

Ce risque est important chez les nourrissons de moins de 6 mois, surtout pour ceux qui sont en collectivité, en raison notamment d’une exposition plus grande au Rotavirus. Les enfants ayant des pathologies chroniques (déficits immunitaires, antécédent de résection intestinale, dénutrition, cancer, etc.) sont également plus à risque de diarrhée aiguë sévère.

Prévention

La prévention des gastroentérites aiguës repose sur des mesures d’hygiène : lavage des mains, nettoyage des surfaces et objets, promotion de l’allaitement maternel.

Pour le rotavirus, qui est responsable de la majorité des hospitalisations pour GEA avec déshydratation sévère, près de 90% des hospitalisations peuvent être prévenue par la vaccination. Le vaccin contre le rotavirus est recommandé par la HAS depuis juillet 2022 et est remboursé depuis novembre 2022 4.

La vaccination doit être précoce, vers 2 mois de vie, avant que le nourrisson n’ait rencontré le rotavirus.

Les vaccins et schémas vaccinaux sont dans le tableau ci-dessous. Il est conseillé de choisir un des vaccins disponibles et de réaliser l’intégralité du schéma vaccinal avec le même vaccin.

Vaccin disponibleValencesValencesLimites d’âge
ROTARIX, solution buvableVaccin monovalent souche RIX44142 doses : à 2 mois et à 3 mois de vie6 semaines-6 mois de vie
ROTATEQ, solution buvableVaccin pentavalent rotavirus G1, G2, G3, G4, P1A3 doses : à 2, 3 et 4 mois de vie6 semaines-8 mois de vie

À noter que la vaccination contre le rotavirus augmente de façon modeste le risque d’invagination intestinale aiguë (IIA), en particulier dans les 7 jours suivant la première dose. Il est nécessaire d’en informer les parents et de les sensibiliser sur les signes d’IIA, devant les amener à consulter :

  • Pleurs inhabituels.
  • Refus du sein ou du biberon.
  • Vomissements.
  • Pâleur.
  • Hypotonie.
  • Présence de sang dans les selles.

Cela-dit, ce sur-risque d’IIA est transitoire car à 12 mois post vaccinal, les études ne montrent plus de différence entre les groupes vaccinés et non vaccinés 5. Une des hypothèses pour expliquer ce sur-risque est que le rotavirus lui-même serait un facteur de risque d’IIA.

Prise en charge

La prise en charge de la diarrhée aiguë repose en priorité sur la réhydratation et en particulier l’utilisation de solutions de réhydratation orale (SRO) ad libitum afin de prévenir le risque de déshydratation.

Pour évaluer l’état de déshydratation, un score a été proposé par Guarino et al. 6 :

CatégorieCotation 0Cotation 1Cotation 2
Apparence généraleNormaleSoif, agitation ou léthargie mais irritable au toucherSomnolent, marche difficile, froid ou en sueur +/- comateux
YeuxNormauxLégèrement creuxTrès creux
Muqueuses (langue)HumidesCollantesSèches
LarmesLarmesDiminution des larmesPas de larmes
Score 0 : pas de déshydratation
Score 1-4 : déshydratation légère
Score 5-8 : déshydratation modérée à sévère

À noter que ce score ne comprend pas la perte de poids car si celle-ci est un élément important de surveillance, elle n’est pas toujours évaluable en pratique.

Critères d’hospitalisation

Certains critères justifient une hospitalisation : choc, déshydratation sévère avec perte ≥10% du poids corporel, troubles neurologiques associés (troubles de la conscience, léthargie, convulsions…), vomissements incoercibles ou bilieux, échec de la réhydratation orale, conditions d’une prise en charge sécuritaire à domicile non garanties.

La réhydratation 1

Par voie orale

La réhydratation est le plus souvent orale, en utilisant un soluté de réhydratation orale (SRO), remboursé jusqu’à 5 ans. Le SRO est à proposer « à volonté ». Un sachet se dilue dans 200mL d’eau et, une fois diluée, la solution se conserve 24h au réfrigérateur. Les parents doivent recevoir des explications et conseils de surveillance à domicile. De nombreuses fiches conseils existent, par exemple celle d’Ameli (https://www.ameli.fr/assure/sante/themes/gastro-enterite-enfant/que-faire-quand-consulter).

À noter que dans certains pays, l’OMS propose 2 formules, une à reconstituer dans 200mL et une formule à reconstituer dans 1 litre d’eau 7.

Par voie entérale

En cas de déshydratation sévère, la réhydratation entérale avec un SRO par sonde naso-gastrique est préconisée. En effet, la réhydratation par SNG (Sonde NasoGastrique) a montré un bénéfice sur la réduction de la durée d’hospitalisation 1.

Une fois la SNG posée, la réhydratation se fait avec un SRO, 40-50 mL/kg, soit en continu sur 24h, soit en 3-6h, ce qui peut permettre une sortie plus rapide de l’enfant.

Par voie parentérale

En cas de déshydratation sévère, de troubles de la conscience, de choc, d’absence d’amélioration malgré une réhydratation orale ou entérale, de vomissements persistants malgré la réhydratation orale/entérale ou de distension abdominale sévère et d’iléus, il y a une indication à réhydrater par voie intraveineuse.

En l’absence de choc, l’ESPGHAN propose de perfuser 20 mL/kg pendant 2-4h (max 500 mL/h) de sérum isotonique ou de ringer lactate, suivi d’une réhydratation orale avec du SRO ou d’une perfusion de solutés isotoniques glucosés.

En cas de choc, l’ESPGHAN recommande un remplissage de 20 mL/kg en bolus avec du ringer lactate, à renouveler au max 3 fois avant évaluation par un réanimateur.

La réalimentation

  • Nourrisson allaité : poursuite de l’allaitement, associé à la réhydratation orale avec un SRO.
  • Nourrisson au lait infantile : réalimentation précoce (dans les 4 premières heures) :
    • avec sa formule habituelle en cas de diarrhée banale et régime normal (en évitant les aliments laxatifs),
    • avec une formule sans lactose uniquement en cas de diarrhée prolongée (> 7 jours) ou sévère nécessitant une hospitalisation pour le nourrisson.
  • Chez l’enfant : il n’y a pas de régime spécifique anti-diarrhéique validé.
    Il est possible de s’inspirer des conseils d’Ameli.fr 8.

Traitements associés à la réhydratation

Le zinc

Pour les pays en voie de développement, l’OMS et l’UNICEF recommandent de supplémenter les enfants en zinc en cas de diarrhée aiguë, à hauteur de 10 mg/jour pour les nourrissons de moins de 6 mois et de 20 mg/jour au-delà, pendant 10 à 14 jours 9.

Les probiotiques

En plus d’un SRO, des probiotiques peuvent être proposés pour diminuer l’intensité et la durée de la diarrhée liée à une gastroentérite aiguë 10.

  Souches recommandéesProduit disponible en France* PosologiesNiveau de preuve
Lactobacillus rhamnosus GG (ou Lacticaseibacillus rhamnosus GG)Guigoz Pro Diarrel®1010 CFU/jour (soit 9 gouttes/jour) pendant 5-7 joursFaible
Saccharomyces boulardii CNCM I-745Ultra-levure® > 2ans ultra levure : 1 sachet = 100 mg250-750 mg/jour pendant 5-7 joursFaible
Limosilactobacillus reuteri DSM 17938Biogaia®108 à 4. 108 CFU/jour (soit 5 gouttes/jour) pendant 5 joursTrès faible
Combinaison de Lactobacillus rhamnosus GG 19070 et de Limosilactobacillus reuteri DSM 12246Non disponible2.1010 CFU/jour pendant 5 joursTrès faible
* À noter que la liste des produits disponibles peut évoluer. Les produits présentés ici correspondent aux souches recommandées dans la littérature.

Les traitements médicamenteux

Concernant les traitements médicaments visant à réduire la durée et/ou le nombre de selles liquides, l’intérêt du Racécadotril a été considéré comme « limité » dans une Cochrane publiée en 2019 et n’est donc plus recommandé en routine 11.

Les smectites quant à eux ne doivent plus être utilisés avant l’âge de 2 ans du fait de la présence de plomb dans l’argile 12.

Enfin, le Lopéramide est à proscrire chez l’enfant et les AINS sont contre- indiqués en cas de déshydratation. Les antiseptiques intestinaux n’ont aucun effet et sont potentiellement toxiques.

En cas de vomissements importants, l’ondansetron est maintenant le traitement de choix (cependant hors AMM dans cette indication) et est utilisé aux urgences ou en cas d’hospitalisation 13.

À noter qu’il est contre-indiqué en cas d’allongement du QT connu, la réalisation d’un ECG n’étant pas systématique avant prescription. En ambulatoire, aucun anti-émétique ne peut être utilisé.

Dans les situations plus rares de gastro-entérites bactériennes ou parasitaires, un traitement antibiotique peut être nécessaire selon le contexte. Il sera indispensable en cas de Shigellose, de Salmonellose majeure ou de Giardiase.

Les examens complémentaires

La plupart du temps et hors hospitalisation, aucun examen complémentaire n’est utile.

Une analyse bactériologique et/ou parasitologique des selles est demandée dans les situations suivantes :

  • diarrhée entéro-invasive (syndrome dysentérique),
  • diarrhée et état septique,
  • diarrhée de retour des pays d’outre-mer,
  • diarrhée chez l’immunodéprimé ou terrain débilité,
  • contexte de toxi-infection alimentaire en collectivité,
  • diarrhée dans l’entourage d’un malade atteint de shigellose avérée.

Références

  1. Guarino A, Ashkenazi S, Gendrel D, et al. European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition/European Society for Pediatric Infectious Diseases evidence- based guidelines for the management of acute gastroenteritis in children in Europe: update 2014. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2014;59(1):132-152. ↩︎
  2. https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-
    origine-alimentaire/gastro-enterites-aigues/
    ↩︎
  3. Wiegering V, Kaiser J, Tappe D, Weissbrich B, Morbach H, Girschick HJ. Gastroenteritis in childhood: a retrospective study of 650 hospitalized pediatric patients. Int J Infect Dis. 2011 Jun;15(6):e401-7. doi: 10.1016/j.ijid.2011.02.006. Epub 2011 Apr 12. PMID: 21489842. ↩︎
  4. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3352137/fr/la-has-recommande-la-vaccination-des-nourrissons-contre-les-infections-a-rotavirus. ↩︎
  5. Cohen R, Martinón-Torres F, Posiuniene I, Benninghoff B, Oh KB, Poelaert D. The Value of Rotavirus Vaccination in Europe: A Call for Action. Infect Dis Ther. 2023 Jan;12(1):9-29. doi: 10.1007/s40121-022-00697-7. Epub 2022 Nov 10. Erratum in: Infect Dis Ther. 2022 Dec 10;: PMID: 36355309; PMCID: PMC9647247. ↩︎
  6. Guarino A, Ashkenazi S, Gendrel D, et al. European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition/European Society for Pediatric Infectious Diseases evidence- based guidelines for the management of acute gastroenteritis in children in Europe: update 2014. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2014;59(1):132-152. ↩︎
  7. https://www.who.int/fr/publications-detail/9241594217. ↩︎
  8. https://www.ameli.fr/paris/assure/sante/themes/gastro-enterite-adulte/bons-reflexes-
    que-faire#:~:text=Prenez%20des%20repas%20plus%20petits,carottes%2C%20des%20 viandes%20maigres)
    . ↩︎
  9. https://www.who.int/fr/publications-detail/9241594217. ↩︎
  10. Szajewska H, Berni Canani R, Domellöf M, Guarino A, Hojsak I, Indrio F, Lo Vecchio A, Mihatsch WA, Mosca A, Orel R, Salvatore S, Shamir R, van den Akker CHP, van Goudoever JB, Vandenplas Y, Weizman Z; ESPGHAN Special Interest Group on Gut Microbiota and Modifications. Probiotics for the Management of Pediatric Gastrointestinal Disorders: Position Paper of the ESPGHAN Special Interest Group on Gut Microbiota and Modifications. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2023 Feb 1;76(2):232-247. doi: 10.1097/ MPG.0000000000003633. Epub 2022 Oct 11. PMID: 36219218. ↩︎
  11. Liang Y, Zhang L, Zeng L, Gordon M, Wen J. Racecadotril for acute diarrhoea in children. Cochrane Database Syst Rev. 2019 Dec 19;12(12):CD009359. doi: 10.1002/14651858. CD009359.pub2. PMID: 31858591; PMCID: PMC6923519. ↩︎
  12. https://ansm.sante.fr/informations-de-securite/medicaments-a-base-dargile-dans-le-traitement-symptomatique-de-la-diarrhee-aigue-chez-lenfant. ↩︎
  13. Aisha F, Bhagwani K, Ijaz H, Kandachia K, Kumar N, Faisal S, Jha S, Khan S. Comparison of the Effectiveness of Ondansetron and Domperidone in Cessation of Vomiting in Children Presenting With Acute Gastroenteritis: A Meta-Analysis. Cureus. 2022 Aug 3;14(8):e27636. doi: 10.7759/cureus.27636. PMID: 36072202; PMCID: PMC9438468. ↩︎


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