Nous sommes très heureux de vous faire part du reportage mis en place par la lauréata de la Bourse jeune reporter pour le congrès de l’ESPGHAN 2025, Manon Pauloin.

Elle nous a gratifié d’un excellent article reprenant tous les grands thèmes et sujets abordés lors du 57ème congrès de l’ESPGHAN.

Avec le soutien institutionnel du Laboratoire Gallia

Laboratoire Gallia
Photo de Manon Pauloin
Article 1. L’axe « aliments ultra transformés / microbiome intestinal » et les troubles gastro-intestinaux pédiatriques

Pr Roberto Berni, Université Federico II de Naples, Italie

Introduction

La prévalence des maladies digestives chroniques est croissante et semble parallèle à l’exposition accrue aux aliments ultra-transformés (UPF, pour ultra-processed food), on parle d’« exposome », dont la prévalence et la gravité augmentent, représentant la majeure partie de l’apport énergétique total, ce qui a un impact négatif sur le système immunitaire et le microbiome.

Méthodes

Revue systématique des données de la littérature disponible pour évaluer les associations entre la consommation d’UPF et les allergies pédiatriques, via l’association de la structure et du fonctionnement du microbiome intestinal et celui du système immunitaire. 21 cohortes (26 articles) ont été incluses pour les résultats liés aux allergies, 16 études pour le microbiote intestinal et 3 études pour les effets des UPF sur le système immunitaire.

Résultats

19 études ont été identifiées, ayant évalué ou confirmé un mécanisme par lequel les UPF, la restauration rapide ou certains additifs alimentaires sont associés à des modifications du microbiote intestinal (16 essais) ou à des modifications des modalités immunitaires (3 essais) :

  • L’exposition alimentaire au fructose, aux boissons gazeuses et à la consommation de sucre étaient associées à un risque accru d’asthme, de rhinite allergique et d’allergies alimentaires chez les enfants, et les UPF riches en glucides, glutamate monosodiques ou produits de glycation avancée (AGE) aux maladies allergiques. La consommation d’aliments pour bébés du commerce était également associée aux allergies alimentaires infantiles.
  • Une étude retrouvait une association positive entre la consommation d’UPF et les taux sériques de leptine, de CRP et d’interleukine-8 (cytokine sécrétée par les macrophages et les cellules épithéliales ayant un rôle dans l’attraction des neutrophiles). Dans 2 cohortes, la consommation d’UPF était associée à une augmentation des taux d’IL-6.
  • Une des études a décrit une association entre les UPF et la consommation d’émulsifiants, avec une augmentation des anticorps anti-LPS, anti-flagelline et acétyles de glycoprotéine (GlycA).

Conclusion

L’impact des UPF sur la santé humaine, notamment leur rôle potentiel dans l’apparition de maladies allergiques chez les enfants, suscite une inquiétude croissante. Des données issues d’études humaines ont montré que la consommation d’UPF, notamment d’additifs alimentaires, d’émulsifiants et d’édulcorants artificiels, était associée à des altérations du microbiome intestinal, de la barrière épithéliale intestinale et du fonctionnement du système immunitaire. Certains des changements identifiés sont importants sur le plan mécanistique pour le développement des allergies, notamment leurs effets sur les acides gras à chaine courte, qui jouent un rôle essentiel dans le développement de la tolérance immunitaire et dans l’allergie.

Limites de l’étude

  • Ajustement inadéquat des covariables, difficulté à déterminer si les associations étaient dues à la transformation des aliments en elle-même ou aux profils nutritionnels des aliments.
  • Prise en compte inadéquate des covariables liées aux sujets compromettant la clarté des associations entre la consommation d’UPF et les risques pour la santé.
  • Différences méthodologiques entre les études, variabilité dans la façon de quantifier les UPFs
  • Consommation d’UPF principalement évaluée via des questionnaires sur les aliments finis non validés à cette fin

Objectifs à mettre en œuvre

  • normaliser le système de classification des aliments afin de favoriser la comparabilité ;
  • définir la contribution des différents aspects de la transformation des aliments et identifier ceux qui peuvent entraîner des effets néfastes sur la santé ;
  • mettre à jour les recommandations alimentaires afin de limiter l’exposition aux UPF (notamment des conseils sur les temps et méthodes de cuisson des aliments, leur conservation, les seuils de tolérance, etc.).
Article 2. Nouvelles perspectives sur les mécanismes d’action induits par les postbiotiques pour le traitement des troubles gastro-intestinaux pédiatriques

Pr Roberto Berni, Université Federico II de Naples, Italie

Comme rapporté dans l’étude précédente

  • Le carburant = Les prébiotiques, comme les fibres présentes dans les légumes verts à feuilles, sont le carburant des bactéries bénéfiques de l’intestin.
  • Les usines = Les probiotiques, tels que les bactéries bénéfiques vivantes, agissent comme des usines pour fermenter les fibres et les prébiotiques pour fabriquer des métabolites.
  • Les bienfaiteurs = Les postbiotiiques, fermentés à l’extérieur du corps par des bactéries ou levures, contiennent les métabolites bénéfiques qui soutiennent votre corps.

Comment sont fabriqués les postbiotiques ?

  1. Mise en culture pour permettre la fermentation probiotique
  2. Inactivation et centrifugation (différentes technologies et timing)
  3. Procédé de reproduction conduisant à des produits postbiotiques

Différents mécanismes d’actions des postbiotiques

Une étude réalisée cette année (Samantha Armiento et al., 2025) étudiait l’impact des polysaccharides des postbiotiques sur la modulation de l’immunité cellulaire : il mettait en évidence que 2 polysaccharides de L. paracasei NBP01 jouent des rôles dans la modulation de l’immunité intestinale et de la fonction de barrière, avec un rôle d’inducteur de peptides antimicrobiens et de l’intégrité épithéliale, et le déclenchement des mécanismes de réparation des tissus intestinaux. Ces résultats soulignent le potentiel de ces polysaccharides comme composés postbiotiques.

Avantages de l’utilisation des postbiotiques

  • Bénéfices santé similaires voire supérieurs à ceux obtenus avec des probiotiques vivants
  • Absence d’organismes vivants = aucun risque de septicémie
  • Contournement du problème d’acquisition de gènes de résistance aux antibiotiques et de facteurs de virulence
  • Stabilité sur un large spectre de pH/températures = aucune exigence de chaîne du froid pendant le stockage et le transport
  • Mécanismes d’action bien caractérisés
  • Surveillance efficace du processus technologique = haute reproductibilité des effets biologiques

Limites de l’approche postbiotique

  • Nécessité de recherches plus approfondies sur les effets cliniques, les dosages optimaux et les mécanismes d’action des postbiotiques (combiner tests in vitro/in vivo, essais cliniques)
  • Davantage d’études pour évaluer la sécurité des postbiotiques chez des populations spécifiques (nouveau-nés, nourrissons, patients avec maladies chroniques).
  • Limites des capacités technologiques actuelles pour étendre la gamme des postbiotiques. Essentiel d’investir dans des technologies telles que la combinaison de la microbiologie, de la biologie moléculaire moderne, de l’analyse multi-omique à haut débit…
  • Nécessaire de développer des technologies efficaces de séparation et de purification des composants et métabolites microbiens pour leur production industrielle et leur application à grande échelle, ce qui promet d’être un pôle d’innovation dans la recherche postbiotique.
Article 3. Nutrition infantile et développement de « l’axe microbiote-intestin-cerveau ».

Cristina Campoy, Université de Grenade, Espagne

L’axe « microbiote-intestin-cerveau » (MIC)

Le microbiote intestinal exerce une influence au-delà du niveau local, notamment sur les aspects physiologiques et structurels du SNC. Ces voies de communication bidirectionnelles entre le microbiote intestinal et le SNC sont décrites comme l’axe « microbiote-intestin-cerveau ».
Présentation de différentes études attenantes à l’axe MIC et ses implications diverses.

Programmation précoce du microbiome humain

Etude de 2018 de Stiesma et al. :

  • De la conception à la naissance : transfert du microbiome maternel vers le fœtus
  • À la naissance : colonisation par le canal génital
  • Particularités du microbiome précoce :
    • Faible diversité microbienne
    • Succession et évolution rapides
    • Dominé par les Actinobactéries (type Bifidobacterium), les Bacteroidetes (en particulier les Bacteroides) et les Protéobactéries
  • La maturation du microbiome :
    • Est guidée par l’allaitement maternel et le régime alimentaire
    • Est perturbée par l’exposition aux antibiotiques
    • Est influencée par l’introduction des aliments solides : remplacement par des taxons plus proches des microbiomes adultes

Développement de l’axe MIC et son rôle au cours de la petite enfance

Étude de Ritsika et al. en 2021 :

  • Le microbiote intestinal produit des neurotransmetteurs et des métabolites aux propriétés neuroactives, qui influencent ces voies et, par conséquent, le développement de notre cerveau et notre comportement.
  • Les composants nutritionnels sont connus pour influencer notre microbiote intestinal et ces voies et sont donc capables de modifier le développement cérébral du nourrisson
  • Ceci souligne l’importance de l’alimentation au cours de la petite enfance.

Microbiote et système immunitaire

Dans l’étude de Laue et al. publiée en 2022, il est montré que le microbiote, le système immunitaire et le développement cérébral déterminent les mécanismes par lesquels le microbiote intestinal influence le cerveau.
Les données existantes indiquent que le début de la vie de 0 à 3 ans représente une phase critique du développement cérébral et de l’entraînement immunitaire, via la colonisation microbienne et les expositions précoces.

Impact de différents germes dans le développement et traitement des troubles du SNC

Étude de Liu L et al. publiée en 2022 dans eBiomedicine :

  • Des molécules peuvent être responsables de dysbiose :
    Une abondance accrue des souches Helicobacter pylori ou Escherichia coli du microbiote intestinal peut induire des troubles neurologiques :
    • Augmente l’hyperphosphorylation de la protéine tau et surcharge ß -amyloïde responsables de la maladie d’Alzheimer
    • Augmente l’agrégation d’alpha synucléine responsable de la maladie de Parkinson, avec une diminution des performances motrices
    • Augmente les toxines pro-inflammatoires et métabolites génotoxiques responsables de glioblastome
  • A l’inverse, l’administration de probiotiques des souches Bifidobacterium (e.g. NCC3001) et Lactobacillus augmente les taux de GABA et l’expression de facteurs neurotropes qui soulagent de nombreux symptômes neurologiques :
    • Diminution de l’anxiété et des comportements dépressifs-like
    • Diminution des crises comitiales
    • Diminution des déficits de la mémoire spatiale et de l’apprentissage
    • Diminution des troubles moteurs et de la neurodégénérescence dopaminergique

Implications à long terme de la nutrition maternelle et du microbiome fœtal sur le développement neurologique de l’enfant

Une revue de littérature menée par Cerdó T., Campoy C. en 2023 a étudié les données précliniques et cliniques issues principalement de d’études animales, qui montrent l’influence de l’alimentation et des bactéries sur le développement neurologique de la progéniture pendant la vie fœtale. Dans l’étude animale (souris) de Liu X et al. publiée dans Cell Metabolism en 2021 :

  • Une alimentation riche en fibres atténue les troubles cognitifs et sociaux induits par l’obésité maternelle chez les enfants via l’axe intestin-cerveau. Elle restaure les troubles comportementaux induits par l’obésité maternelle, en agissant sur l’axe microbiote intestinal / acides gras à chaines courtes / cerveau, et en améliorant les troubles synaptiques et les défauts de maturation microgliale chez les enfants.
  • L’obésité maternelle est liée à des troubles du développement neurologique et est fortement associée à une baisse des capacités cognitives et sociales chez les enfants.

Axe intestin-microbiote-système immunitaire-cerveau chez le prématuré

Etude de Seki et al. publiée dans Cell Host & Microbiote en 2021 :
Mise en évidence d’un développement anormal de l’axe chez les nouveau-nés prématurés présentant des lésions cérébrales :

  • Étude menée sur 60 extrêmes prématurés, analyse de leur microbiote, de leur profil immunitaire et neurophysiologique.
  • Réponse des lymphocytes T pro-inflammatoires corrélée à une suppression de la maturation électro-corticale.
  • Les lymphocytes T γδ ont des implications centrales dans la pathogenèse des lésions cérébrales.
  • La prolifération de Klebsiella dans le tractus gastro-intestinal est prédictive de lésions cérébrales.

Les effets du type de lait maternel sur l’axe MIC dans les débuts de la vie

Étude COGNYS STUDY menée par Cerdó T, et al. (Clin Nutr.) 2022 :
La richesse microbienne variait chez les nourrissons nourris au lait maternisé standard (LMS), au lait maternisé expérimental enrichi (LME) et allaités au sein (AM).

  • Le LME était enrichi en synbiotiques (prébiotiques + probiotiques), en AGPI-LC et en MGM.
  • L’évolution de la diversité microbienne variait d’un groupe à l’autre au fil du temps.
  • Différents taux de maturation microbienne étaient associés à différentes tendances des fonctions cognitives.
  • Les résultats neurodéveloppementaux (portés sur le langage) étaient similaires entre les nourrissons nourris au LME à trajectoire lente et ceux allaités au sein à 12 mois d’âge
Article 4. Professionnels de sante et intelligence artificielle : s’adapter ou se faire dépasser ?

Pr Hania Szajewska, Université de Warsaw, Pologne

Les Modèles de Langage (algorithmes d’apprentissage profond) sont devenus des outils qui prennent de plus en plus de place dans les habitudes de la population. Il est facile à utiliser, ne nécessite pas de formation spécifique. C’est une constatation, cet outil est utilisé en pratique, tant par les patients que par les praticiens.

On peut en effet voir de nombreux bénéfices à utiliser ces outils comme Chat GPT : ils sont meilleurs, plus rapides, plus précis qu’une personne humaine. Mais il existe des risques : erreurs, problèmes de confidentialité…Une question souvent posée est : L’utilisation de ChatGPT est-elle sûre pour une tâche ?

Pour cela, il existe une succession de questions à se poser :

  1. Est-il important que le résultat soit vrai ?
  • Si non, on peut utiliser chat GPT sans souci
  • Si oui :
  1. Avez-vous l’expertise nécessaire pour vérifier l’exactitude du résultat ?
  • Si non : il vaut mieux ne pas utiliser ChatGPT
  • Si oui :
  1. Êtes-vous capable et disposé à assumer l’entière responsabilité (par exemple, juridique, morale) de toute inexactitude ?
  • Si oui : il est possible de l’utiliser

Mais il faut alors garder en tête les limites des modèles de langage :

  • Ils peuvent « halluciner »
    • Il n’y a aucune garantie que le résultat soit véridique.
    • Toujours vérifier les informations / conseils d’un modèle de langage.
  • Ils sont biaisés selon la fréquence
    • C’est-à-dire qu’ils sont meilleurs sur des sujets connus, mais moins fiables sur des sujets de niche.
  • Ils sont souvent sûrs d’eux, mais erronés
    • Le résultat peut sembler exact, mais comporter des erreurs subtiles ou graves.

Il existe de nombreuses discussions sur l’utilisation de l’IA dans la recherche. Une enquête menée par Diana Kwon (étude « NATURE ») publiée le 14/05/2025 (DOI : 10.1038/d41586-025- 01463-8) fait le point sur la question :

  • Les chercheurs sont divisés sur l’utilisation acceptable de l’IA
  • La plupart convient qu’il est acceptable d’utiliser l’IA pour rédiger des manuscrits, mais peu le fait savoir.
  • Évaluation par les pairs :
    • Utiliser l’IA pour générer des évaluations complètes est largement inacceptable.
    • En revanche, l’aide à répondre aux questions sur les manuscrits est généralement considérée comme acceptable.

Il faut également se questionner sur l’aspect éthique de l’utilisation de l’IA. Comment sont collectées les données ? Ǫui les protège ? Est-ce que l’accès à l’IA est égal partout ? Ǫui est responsable des décisions de l’IA ? Le designer de l’IA ? Celui qui a développé l’algorithme ? Celui qui a amené l’IA dans l’hôpital ? Les compagnies d’assurance ? Ou tout simplement le praticien qui utilise cet outil ?
Est-ce que l’IA finira par remplacer les médecins ? Selon Pr Szajewska, l’IA ne remplacera jamais le corps médical, mais les médecins qui ont recours à l’IA remplaceront ceux qui ne l’utilise pas.

Article 5. Algorithme de reconnaissance d’images pour estimer la taille et le poids des nourrissons

Pr Fabian Wap, Université de Singapour, Singapour

Pourquoi nous avons besoin de meilleurs outils pour mesurer les enfants

Les enfants obèses sont désormais plus nombreux que ceux en sous-poids à l’échelle mondiale. Dans un article en 2022 publié dans The Economist par Slavea Chankova, il est représenté à travers un graphique un croisement entre le taux d’enfants en insuffisance pondérale modérée à sévère avec le taux d’enfants obèses et en surpoids, âgés de 5 à 19 ans. Ce croisement a eu lieu il y a une dizaine d’année. On observe une globale stabilité, voire discrète diminution du nombre d’enfants avec retard pondéral depuis les années 2000, mais en parallèle une augmentation quasi exponentielle du taux d’obésité infantile depuis les années 2010.
Ce changement n’est bien sûr pas uniforme selon les pays. L’obésité a remplacé ou aggravé la crise de la sous-nutrition.

Il faut comprendre comment l’enfant grandit et non seulement s’il a les moyens de biens grandir. Il faut distinguer la croissance « rattrapage » de la croissance « accélérée ». Des mesures précises sont essentielles.

  • La croissance catch up (rattrapage) (X sur le graphique) se distingue du franchissement ascendant des lignes de percentiles observé chez les enfants suralimentés, qui reflète une croissance accélérée ou excessive, mais non compensatoire. Il est important de savoir quand la croissance de rattrapage est complète afin de ne pas « pousser » à une surnutrition non nécessaire.
  • La croissance accélérée (X sur le graphique) indique une suralimentation et une croissance excessive

Il faut également distinguer la croissance de « rattrapage négatif » de la croissance « défaillante » :

  • La croissance catch down correspond à une période de croissance lente qui suit une phase où le nourrisson a connu une croissance supérieure à la normale (FdR : obésité maternelle, diabète gestationnel, génétique…). C’est un ajustement normal.
  • La croissance défaillante

Comment l’IA peut aider pour simplifier et rendre cette étape systématique à partir d’un algorithme

Le respect des mesures de longueur est faible, car il nécessite une planche de mesure, être à l’aise avec la technique, et être idéalement 2 pour la réaliser.

M. C. Chua et al ont développé un algorithme d’intelligence artificielle de mesure de la taille chez les nourrissons (LAI) pour aider les utilisateurs à déterminer facilement la taille en position couchée à partir d’images de smartphone. Des images de smartphone ont été prises par les parents et les investigateurs. Des mesures standardisées à l’aide d’une planche de mesure ont été réalisées par des investigateurs formés. Les performances de l’algorithme ont été évaluées en comparant les estimations de la taille basées sur les images de l’outil avec les mesures à l’aide d’une planche de mesure. Sur les 2224 photos analysées, l’erreur absolue moyenne était de 2,47 cm pour les prédictions d’images individuelles et de 1,77 cm pour les prédictions moyennes des participants. La précision de l’IA se rapproche donc de la précision humaine.
L’algorithme LAI est une méthode accessible et innovante pour estimer la taille des enfants à partir d’images prises par smartphone, sans nécessiter d’équipement spécialisé ni de personnel qualifié, avec une précision proche de celle généralement obtenue en clinique ou en milieu de santé communautaire. Les résultats montrent que l’algorithme est acceptable pour une utilisation en milieu personnel, servant de preuve de concept pour une utilisation en milieu clinique.

Plusieurs autres études sont en cours en essayant de développer un outil sur la mesure du poids ou de la taille chez l’enfant.

Article 6. Effet du modèle d’alimentation chronobiologique sur le sommeil et les paramètres physiologiques des nourrissons prématurés : un essai contrôle randomisé

Dr Ebru Temizsoy, PhD RN, Istanbul Bilgi University, Turkey

Introduction

La chronobiologie est la science des rythmes biologiques. Le rythme circadien est un cycle interne de 24h lors duquel sont régulés le sommeil, les variations des sécrétions hormonales, la température corporelle, le métabolisme.
Les premiers signes du cycle circadien chez le fœtus apparaissent dès 30 SA, n’est pas complètement mature en période post natale. Les enfants nés prématurés perdent donc les signaux hormonaux maternels tôt, ils sont ainsi exposés précocement à un environnement synchronisé (lumière, NEDC, postes de soins, traitements). Les Zeitgebers se définissent comme les indices environnementaux qui modulent le rythme circadien.

Chronobiologie et lait humain

Le lait maternel humain est un puissant zeitgeber, avec une composition qui change entre le jour et la nuit. Par exemple, le lait diurne contient du cortisol et des acides aminés pour la vigilance, le lait nocturne sera plus riche en mélatonine et tryptophane pour le sommeil. Cependant, dans la plupart des NCIU, le lait maternel est exprimé à différents temps et est habituellement mélangé et donné sans considérer s’il a été exprimé plutôt le jour ou la nuit.

Objectif

Evaluer l’effet du modèle de nutrition chronobiologique sur le sommeil et les paramètres physiologiques chez les enfants prématurés.

Matériel et méthode

Etude prospective, randomisées contrôlée, réalisée dans le service de soins intensifs néonataux du Suleyman Yalçin City Hospital, Istanbul. 60 prématurés ont été inclus entre avril 2023 et mars 2024, répartis en un groupe interventionnel (chronobiological feeding) et un groupe contrôle (standard feeding) de 30 enfants chacun. Inclusion de prématurés de 32 SA+0j jusqu’à 36 SA+6j, ayant une alimentation exclusive au lait maternel. Les mesures du sommeil, des pleurs, de la FC et T°C étaient réalisés 3 fois (à J0, lorsque l’étude a débuté et avant la sortie). Intervention : le réveil spontané de l’enfant était attendu pour l’alimenter ou faire ses soins. Si l’intervalle dépassait 4h, l’enfant était délicatement réveillé pour être nourri. L’alimentation était réalisée en synchronisant ou non le rythme circadien selon le groupe interventionnel ou contrôle. Des gommettes jaunes pour le jour et violettes pour la nuit étaient utilisées pour différencier les laits pour le stockage. Le lait diurne était utilisé de 8h à 19h59 et le lait nocturne était utilisé de 20h à 7h59.

Résultats

Pas de différence significative sur les critères démographiques des deux populations. Il y avait une amélioration significative dans les paramètres de sommeil sur le groupe avec la nutrition chronobiologique (le temps de sommeil dès les premiers jours et avant la sortie, et davantage de sommeil profond à l’évaluation avant la sortie). Il n’y avait pas de différence sur le temps de pleurs dans les deux groupes.

Conclusion

L’adaptation au cycle circadien du lait maternel améliore la qualité du sommeil chez les prématurés avec : des temps de sommeil plus long au repos, à l’inclusion et juste avant la sortie d’hospitalisation, une augmentation du temps de sommeil profond juste avant la sortie, et une diminution de la fréquence des réveils.
Le modèle de nutrition chronobiologique a un impact positif sur les caractéristiques du sommeil chez les enfants prématurés hospitalisés.

Article 7. Effet d’une supplémentation chronique en oligosaccharides de lait sialylés sur la physiologie intestinale et le microbiote chez les souriceaux ayant un retard de croissance

Laure Dubernat, 3rd year PhD student, France

Introduction

Les oligosaccharides du lait humain (HMOs) sont un composant essentiel du lait maternel humain. C’est le 3ème composant solide juste après le lactose et les lipides.
Du fait de leur structure, ils peuvent être divisés en 3 catégories : les HMOs fucosylés (les plus abondants dans le lait humain), les HMOs non fucolysés et les HMOs sialylés (plus abondants dans le lait de rongeur). Ces molécules sont connues pour jouer un rôle dans la santé du système digestif de l’enfant, principalement à travers des actions prébiotiques.

Objectif

Étude du rôle joué par ces molécules dans la maturation intestinale chez le souriceau.

Méthode

Il a été utilisé le modèle PNGR (Post natal growth-restricted pups), qui consiste à augmenter en nombre la portée de la mère de 8 individus pour le groupe contrôle (CL group) à 15 individus pour le deuxième groupe (LL group). Cela a pour conséquence d’engendrer un retard de croissance post natal à cette portée due à un état de dénutrition. Dans cette population (LL), une supplémentation quotidienne était réalisée soit en eau (LL-W group), soit avec une solution contenant des oligoscaccharides sialylés (LL-SL group), jusqu’à J 21 de vie. La croissance, puis l’analyse morphologique du colon et de l’intestin grêle étaient réalisés.

Résultats

Sur l’analyse de la croissance : diminution significative du gain pondéral chez les deux groupes d’individus provenant de la portée large (LL) par rapport à la population contrôle (CL), pas de différence apportée par les types de supplémentation.
Sur l’analyse morphologique : pour l’intestin grêle, diminution significative de la hauteur des villosités et de la profondeur des cryptes dans les deux groupes de la large portée en comparaison au groupe contrôle, pas d’effet du type de supplémentation.
Sur l’analyse du microbiote, les souriceaux supplémentés en oligosaccharides sialylés présentaient une augmentation de la bactérie Ruminococcaceae, qui est impliquée dans la production du butyrate, connu pour son effet anti-inflammatoire.
A partir d’un modèle organoïde intestinal murin, exposé au même oligosaccharide sialylé pendant 4 ou 6 jours, l’expression des gènes impliqués dans les processus de différenciation et de prolifération a été analysée en fonction de la supplémentation ou non en oligosaccharides : cela a montré une augmentation significative de l’expression lysosomale de ces organoïdes quand ils étaient exposés aux oligosaccharides sialylés.

Conclusion

A travers la modulation du microbiote intestinal, la supplémentation en HMOs durant la lactation pourrait exercer un effet anti inflammatoire en stimulant la production de butyrate. Indépendamment du microbiote, les HMOs pourrait exercer une action directe sur la différenciation cellulaire intestinale dans les modèles organoïdes murins.

Article 8. Profils des protéines mineures de lactosérum a travers les stades de lactation dans le lait maternel des mères de nouveau-nés de très faible poids à la naissance

Belén Pastor-Villaescusa, Université de Cordoue, Spain

Introduction

Les nouveau-nés avec un très petit poids à la naissance (1000-1500g) ont un besoin accru en protéines pour assurer un développement optimal, dû surtout à leur immaturité physiologique associée à une naissance prématurée. Pour cela, le lait maternel de ces enfants présente une plus haute concentration protéique comparé au lait maternel d’enfants nés avec un poids ou terme normal. Cependant, l’exploration du protéome du lait humain, et notamment la composition des protéines mineures de lactosérum n’est pas complètement connue. Les protéines mineures de lactosérum dans le lait humain correspondent à toutes les protéines présentes en plus petite quantité (< 10% de la composition) dans le lait par comparaison aux protéines majeures du lactosérum. Les protéines mineures de lactosérum jouent différents rôles biologiques : croissance, développement, immunité, métabolisme, santé intestinale, digestion.

Objectif

Caractériser la composition des protéines mineures de lactosérum dans le lait humain des mères de nouveau-nés avec un très petit poids de naissance, fournir des données protéomiques complètes sur les différentes étapes de la lactation.

Matériel et méthode

Étude longitudinale, observationnelle, avec inclusion de 35 mères d’enfants avec un très petit poids de naissance (1000 à 1499g). Les échantillons de lait à partir de ce pool étaient récoltés à 3 stades de la lactation (1ml de colostrum à 0-48h, 1ml de lait transitionnel à 4-14 jours de vie, 1ml de lait mature à 90-100 jours de vie).
Techniques : 1) ils ont enrichi les protéines de faible abondance pour réduire la concentration des protéines majeures. 2) Les protéines étaient séparées et détectées via la technologie UHPLC associée à un spectromètre de masse. 3) Analyse informatique avec analyse statistique, puis 4) Identifications des voies et rôles biologiques ou des interactions protéiques.

Résultats

4 différents clusters donnant une idée intéressante sur les rôles biologiques des protéines mineures du lactosérum :

Conclusion

Le profil des protéines mineures du lactosérum chez les très petits poids de naissance change considérablement selon les différents stades de la lactation. La compréhension de ces profils évolutifs est cruciale pour adapter la supplémentation protéique du lait humain de pool pour les besoins spécifiques de ces nouveau-nés avec très petit poids de naissance.

Perspectives

Caractérisation des protéines mineures du lactosérum de façon individualisée, ne provenant pas d’échantillon de pool, sur les différents poids de naissance et stades de lactation.

Article 9. Association de l’IMC maternel avant la grossesse avec la composition en acides gras et en phospholipides du lait maternel

Pr Berthold Koletzko, Talat B. Ahmed, LMU University Hospital of Munich, Germany

Introduction

La qualité de la graisse du lait maternel humain dépend de la composition des acides gras (AG) et des phospholipides (PL) ; le régime maternel module la composition en AG dans le lait humain.

Objectif

Caractériser la relation entre l’IMC pré-gestationnel de la mère (pBMI) et la concentration en acide gras (%AG) et phospholipides contenant de la choline (%PL).

Matériel et méthode

  • Population : Analyse de 789 échantillons de lait provenant du Norwegian Human Milk Study Birth Cohort (HUMIS Cohort), 25 ml exprimés manuellement lors du 2ème mois postpartum.
  • Mesures : des acides gras par chromatographie et des types de phospholipides par spectrométrie de masse
  • Covariants : âge maternel, gain pondéral, prise de poisson, consommation tabagique, niveau d’éducation, parité, mode d’accouchement
  • Inclusion : échantillonnage des mères obèses et en surpoids pour détecter au mieux les effets de l’IMC
  • Analyse : association du lien entre l’IMC prégestationnel maternel et les métabolites lipidiques par réalisation de multiples régressions analytiques linéaires corrigées sur les covariants.

Résultats

  • Différence significative sur les prises pondérales gestationnelles, avec davantage d’excès de prise pondérale gestationnelle chez les mères en surpoids ou obèses, ainsi que sur le mode d’accouchement (plus de césarienne chez les mères obèses). Pas de différence significative sur le régime alimentaire maternel, la consommation d’oméga 3.
  • Chez les mères avec un plus haut pBMI (surpoids et obèses) :
    • Moins d’acides gras à longues chaines poly insaturées, moins d’omega 3 LC-PUFA, et un plus haut ratio entre le taux d’omega 6 et omega 3 LC-PUFA dans le lait maternel.
    • Pas de différence significative sur les taux des différents types de phopholipides selon les IMC des mères.
    • Association positive avec le taux d’acides gras mono-insaturés du lait maternel
  • De manière attendue, forte association des lipides du lait maternel avec les covariants de l’étude : plus haut taux d’oméga 3 avec la prise d’huile de foie de morue et de poissons gras.

Conclusion

  • Première étude exhaustive sur l’association de l’IMC maternel avec les différents types d’acides gras et de phospholipides, réalisée sur un large échantillon de lait maternel de mère qui en allaitement exclusif, ajustée sur différentes covariables.
  • L’IMC, l’alimentation et les facteurs métaboliques semblent moduler la disponibilité des AG dans la glande mammaire, affectant ainsi la formation des lipides du lait.
  • Chez les femmes obèses, une augmentation de l’activité de la stéaroyl-CoA désaturase et une diminution de l’activité de la lipoprotéine lipase, ainsi qu’une contribution compensatoire plus élevée d’acides gras non estérifiés provenant du tissu adipeux maternel, pourraient être des mécanismes médiateurs.
  • Un IMC maternel sain pourrait contribuer à une meilleure qualité nutritionnelle du lait maternel.
  • Les nourrissons allaités pourraient bénéficier d’un apport maternel accru en LC-PUFA, en particulier si l’IMC maternel est élevé.
Article 10. Facteurs génétiques et physiologiques affectant la composition du lait maternel

Yarden Golan (United States of America)

Introduction

Le lait maternel est l’alimentation recommandée pour les nourrissons, apportant tous les nutriments ainsi que des composants bioactifs qui préviennent les maladies et protègent le nourrisson. Il est bénéfique pour les mères qui allaitent en réduisant le risque de cancer du sein et de cancer de l’ovaire, de diabète de type 2 et de dépression post-partum. Le lait maternel est un fluide biologique dynamique, influencé par l’environnement, l’alimentation et l’exposition de la mère.

La lactation débute généralement dès la grossesse. On observe en effet une prolifération de cellules épithéliales dans la glande mammaire :
Pendant la grossesse, il existe une voie de communication entre le lait et le sang via des échanges paracellulaires.
Aux premiers stades de la lactation cependant, par une cascade d’événements (changements hormonaux dans les premières heures suivant la naissance), ces voies paracellulaires se ferment et les ions comme le sodium peuvent de moins en moins traverser les cellules.
En lactation établie, ces voies paracellulaires sont presque fermées, les cellules amènent désormais efficacement les nutriments nécessaires, comme les glucides, les lipides, les pro- lipides et les protéines nécessaires à la production du lait.

Une étude publiée par Dr Hoban et al., a montré que ces biomarqueurs, comme le taux de sodium dans le lait, ne servent pas seulement à nous indiquer l’état d’activation sécrétoire, mais qu’ils jouent également un rôle prédictif du volume de lait que ces mères pourront produire plus tard dans leur lactation. Des outils mesurant la conductivité ont également été mis au point, mesurant les minéraux présents dans le lait. L’appareil a montré une bonne corrélation avec la teneur en Na. Ces outils utilisant des processus physiologiques pourraient aider les mères à gérer leur allaitement au domicile.

Influence des marqueurs génétiques sur la composition du lait

L’exemple le plus connu est la relation entre les gènes maternels et les oligosaccharides du lait maternel (HMOs). Deux facteurs principaux interviennent dans la production de ces HMOs dans le lait : les gènes FUT2 et FUT3, dont la présence de mutation influence la sécrétion lactée. Si un gène FUT2 fonctionnel est présent, on parle de profil sécréteur ; s’il est non fonctionnel en raison d’une mutation non-sens, on parle de non-sécréteur. Le fait qu’un gène FUT3 fonctionnel soit présent ou non peut également déterminer les types d’HMO qu’il sécrète.

Nous constatons non seulement que les types d’HMO sécrétés sont différents, mais aussi que la quantité totale d’HMO sécrétée dans le lait varie d’une personne à l’autre. L’année dernière, plusieurs publications travaillant sur des associations pangénomiques ont trouvé un lien entre lprésence de certains SNIP dans ces gènes et le taux d’HMO dans le lait. Ce taux d’HMO était positivement corrélé à la santé respiratoire de l’enfant allaité, et à sa croissance.

Autre exemple : le rôle du gène SLC30A2 codant pour le transporteur ZnT2 dans la carence néonatale transitoire en zinc. En situation physiologique, ce gène est responsable du transport du Zinc dans le lait maternel en grande quantité, surtout lors des premiers jours de lactation, puis le taux diminue. Cependant si la mère présente une mutation sur ce gène, cela engendrera une carence en zinc dans le lait qui peut être sévère en cas d’allaitement maternel exclusif. Yarden Golan et al a mis en évidence dans une étude publiée en 2018 qu’1 personne sur 2300 dans la population serait porteuse d’une mutation génétique de SLC30A2 avec perte de fonction.

Conclusion

L’utilisation des marqueurs biologiques et génétiques pourrait permettre des diagnostics précoces sur les problèmes entourant l’allaitement maternel et les carences nutritionnelles observées dans les premiers mois de vie.
Une meilleure compréhension des mécanismes amenant à une baisse de lactation pourrait aider à améliorer les diagnostics et traitements à mettre en place dans ces cas.

Article 11. Nutriments bioactifs dans le lait maternel

Miguel Sáenz De Pipaón, Auntonomous University of Madrid, Espagne

Introduction

Il est décrit depuis plusieurs années le rôle important des composés bioactifs du lait humain dans la santé des nourrissons, réduisant le risque de maladies infectieuses, métaboliques et auto- immunes, mais dont les mécanismes de transmission mère-enfants ne sont pas toujours bien décrits. L’objectif ici est de réaliser une revue des dernières études sur les composés du lait maternel et leurs effets sur la santé, dans le but de comprendre les bienfaits de l’allaitement maternel et d’améliorer les connaissances sur les principaux nutriments bioactifs.

Oligosaccharides du lait humain

Ils sont produits dans la glande mammaire à partir d’une molécule de lactose, élongée avec du glucose, galactose, n-acetyl glucosamine, fucose.
Dans l’étude menée par Zito A et al, 2024, il a été démontré qu’ils luttent contre les lésions intestinales en stimulant la prolifération cellulaire (via le marqueur Ki67) et majorent l’activité des cellules souches intestinales (via le marqueur Lgr-5).

Dans l’étude menée par Tonon KM et al, Adv Nut. 2024, les HMOs semblent également prometteurs dans la lutte contre l’infection au VRS via la circulation sanguine (axe intestin- poumons). La modulation du microbiote intestinal et de ses métabolites aurait donc des effets indirects sur la muqueuse des voies respiratoires mais aussi sur le fonctionnement des cellules immunitaires dans tout l’organisme.

Globalement, les HMO favorisent la santé intestinale, modulent le système immunitaire et protègent contre les infections et l’inflammation, tout en protégeant le microbiome intestinal.

Lipides du lait humain

Ils représentent 30-40g/L du lait humain et sont la première source énergétique. La graisse du lait humain est composée avant tout de triglycérides (95-98%).

La membrane du globule gras du lait (MFGM)

Structure unique présente dans le lait maternel, la membrane est un complexe riche en phospholipides, sphingolipides, protéines et autres molécules bioactives. Elle contient de nombreux composants protéiques et lipidiques avec des propriétés anti-infectieuses, immunitaires et cognitives. 3 essais cliniques ont exploré l’effet d’une supplémentation en MFGM chez les nourrissons et les enfants, avec des résultats positifs chez les nourrissons nés à terme à 24 semaines et 12 mois de vie : effets sur l’amélioration de l’échelle de développement mental de Griffiths et du score cognitif de Bayley (Hernell O et al., 2016, Timby N et al., 2014).

DHA

Environ 85 % des acides gras du lait maternel sont saturés et monoinsaturés, l’acide oléique étant le plus répandu, tandis que 14 à 17 % sont des acides gras polyinsaturés (AGPI). Les AGPI les plus importants présents dans le lait maternel sont l’acide linoléique et l’acide alpha- linolénique, précurseurs de dérivés importants tels que l’acide arachidonique (ARA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA), tous des composants bioactifs essentiels.

Le cholestérol est un autre composant clé. Un taux élevé de cholestérol dans le lait maternel pourrait avoir des effets protecteurs à long terme, car les nourrissons nourris exclusivement au lait maternel présentent une incidence plus faible de syndrome métabolique et de dyslipidémie (Witte Castro, Sanchez-Holgado et al., 2025)

Diverses études ont établi un lien entre le DHA et de meilleurs résultats en matière de développement neurologique. Des études suggèrent que sa concentration dans le lait maternel des prématurés pourrait être insuffisante pour couvrir leurs besoins nutritionnels. L’essai mené par Gould JF et al., publié dans le NEJ en 2022, a montré une corrélation entre le DHA néonatal et l’intelligence à 5 ans. Ils ont randomisé 1273 prématurés, en administrant 60mg/kg/j de DHA dès les 3 premiers jours de vie jusqu’à 36 SA versus placebo. Parmi les 656 participants à cette étude de suivi, 480 (73 %) disposaient d’un score FSIǪ (quotient intellectuel à grande échelle), il n’y avait pas de différence d’âge significative entre les 2 groupes. Les groupes avaient une différence significative de 3.45 points sur le score FISǪ (provenant de l’échelle WPPSI-IV) en faveur du groupe DHA.

Microbiome du lait humain

Étude menée par Toubon et al, 2023, sur une cohorte française, met en évidence les facteurs précoces influençant le microbiote intestinal des enfants à 3,5 ans : Les enfants ayant déjà reçu du lait maternel étaient associés à un entérotype induit par Prevotella (type P) par rapport à ceux n’en ayant jamais reçu.

Vésicules extracellulaires

Les exosomes du lait maternel sont de petites vésicules libérées par les cellules présentes dans le lait maternel et qui sont donc transmises au nourrisson pendant la lactation. Ces exosomes peuvent contenir des protéines bioactives, de l’ADN, de l’ARN messager et des micro-ARN (miARN) et sont résistants à la digestion. L’essai mené par Liang N et al., 2022, a montré que les peptides libérés par la digestion in vitro et in vivo du lait maternel par les nourrissons étaient immunomodulateurs dans les cellules immunitaires humaines par une plus forte sécrétion de TNF alpha.

Hormones : Insuline

Étude menée par l’équipe de Sáenz de Pipaon en 2023 où ils comparaient la différence de pourcentage de différents éléments du microbiote, entre des mesures initiales et finales chez des prématurés recevant de l’insuline versus placebo. Ils ont mis en évidence que les nourrissons sous insuline présentaient un microbiote différent de ceux sous placebo, avec une augmentation du Bacillota et une diminution du Pseudomonota. Ce sont des données préliminaires qui restent à être confirmées sur des études ultérieures plus puissantes, mais l’insuline contribuerait à la maturation intestinale et à la régulation du microbiote.

Antioxydants du lait humain

Il a été démontré un lien entre l’âge maternel, l’âge gestationnel et les anti-oxydants du lait pendant le premier mois d’allaitement. En regardant la mélatonine, ils ont trouvé une corrélation négative significative entre l’âge maternel et le taux de mélatonine dans le lait maternel.
Il a également été constaté une corrélation négative significative entre l’âge gestationnel et la capacité antioxydante totale du lait maternel. L’âge gestationnel est également négativement corrélé à l’activité de la superoxyde dismutase, ainsi qu’avec l’oxydation protéique.

Facteurs de croissance

L’EGF est présent dans le lait humain. La plus haute concentration d’EGF se retrouve dans le colostrum humain et dans le lait humain des enfants prématurés. Il a un rôle prépondérant à la maturation du tube digestif et améliorent l’absorption du calcium.

Article 12. Le lait maternel et la prévention des maladies chroniques : le « processus régénératif »

Nick D. Embleton (United Kingdom)

Les rôles potentiels du lait humain dans la régénération peuvent être infinis, et sa spécificité est qu’il est unique à chaque mère. On sait qu’il est impliqué dans la promotion du développement cérébral (et notamment de réparations, par ex chez le prématuré atteint d’HIV), dans la santé intestinale, dans la réponse immunitaire et la réparation tissulaire.

Mécanismes impliqués dans la régénération par le lait humain

  • Via les Nutriments : macronutriments, micronutriments, oligo-éléments (protéines, DHA, Zinc, etc) : croissance et réparation tissulaire
  • Via les Microbes : lait maternel, environnement : renforce l’intégrité épithéliale par postbiotiques
  • Via le Comportement social : goût, croyance, comportement sociétal, marketing / publicités :
  • connectome, attachement et lien mère enfant, odeur, développement hypothalamique…
  • Via les Bionutriments : HMOs, facteurs de croissance, hormones, vésicules extracellulaires, cellules souches : on s’attardera sur ces facteurs.

Vésicules extracellulaires et exosomes

Ectosomes/Microvésicules : créées par pincement de la surface de la membrane plasmique par bourgeonnement vers l’extérieur. Elles sont généralement plus larges que les exosomes (taille 50nm à 1µm)

Exosomes : Ils sont plus petits, créés par une invagination séquentielle de la membrane plasmique (taille 100 nm). Ils interagissent avec des organelles intracellulaires et portent des cargos, contenant de l’ADN, de l’ARN, des lipides ou autres métabolites cytosoliques ou protéines de surface cellulaire.

Par endocytose, ces exosomes sont extraits des fluides, pénètrent dans la cellule, se mélangent à d’autres exosomes et à l’appareil de Golgi, puis sont libérés à nouveau. Il existe des milliards de vésicules et exosomes, rendant complexe leur isolement pour analyse. Il semblerait qu’ils seraient capables de traverser les membranes biologiques (cerveau et intestin, notamment).

Les exosomes du lait humain (les MEX) sont similaires : ils passent à travers les barrières biologiques pour atteindre le sang et les tissus périphériques. Ils semblent survivre à la dégradation intestinale, et contiennent également des protéines et lipides, des ARNs non codants, des ARN messagers, et particulièrement des micro ARN, connus pour réguler les fonctions des gènes, particulièrement ceux impliqués dans la synthèse protéique.
Les MEX auraient de multiples impacts sur la maturation et la fonction intestinale, dans les études sur modèles murins, ils agiraient notamment sur la hauteur villositaire et la profondeur des cryptes (Melnik et al. 2021).

Les vésicules extracellulaires (VE) du lait humain nous font progresser sur la connaissance du protéome du lait : 2698 protéines étaient connues comme protéines uniques du lait. Avec l’analyse des vésicules dérivées du lait, c’est 633 nouvelles protéines jamais identifiées auparavant dans le lait qui ont été découvertes : potentiel massif sur les recherches à venir.

Zonneveld et al. en 2021, ont montré qu’avec une concentration physiologique de VE par rapport à une population murine démunie en VE, il y avait une meilleure réparation cellulaire avec une augmentation de migration cellulaire.
Dans l’étude menée par Melnik et al. 2021, il était observé sur des modèles murins supplémentés en VE issues de lait de vache, que ces VE traversaient la barrière sang-cerveau, avec un impactsur l’axe hypothalamo-hypophysaire en jouant sur la plasticité synaptique à ce niveau. Les VE du lait auraient donc un impact sur la régulation de l’appétit, de l’homéostasie.

La membrane du globule gras du lait (MFGM)

Elle est faite de nombreux composants bioactifs (Sphingomyélines, XOL, protéines) qui protège les globules gras du lait, avec une structure unique en 3 couches. Elle a été retirée du lait maternisé au profit des huiles végétales, mais les entreprises cherchent aujourd’hui à le réintroduire. De nombreux travaux suggèrent qu’elle stimulerait le système immunitaire, le développement cérébral, la santé intestinale et du microbiote.

Une méta-analyse de Thongseiratch et al., en 2024, a identifié huit études contrôlées randomisées, principalement menées auprès de nourrissons nés à terme et en bonne santé.
Il semble y avoir un avantage sur le développement cognitif en présence de MFGM, sans grande différence. La problématique de la réintroduction des MFGM dans les laits maternisés réside dans la provenance bovine des MFGM pour supplémentation, qui demeure différent des MFGM humains, donc il faut encore étudier si cela serait bénéfique sur des populations à risque, tout comme la quantité à supplémenter, la fréquence, la durée, etc…

La lactoferrine

Protéine de lactosérum présente dans tous les laits de mammifères. 90% du colostrum est fait de lactosérum dont la principale est la lactoferrine. Elle aurait un rôle antimicrobien, en stimulant la réparation et la régénération. Plusieurs ECR ont étudié la supplémentation en lactoferrine bovine et son effet sur la réduction des sepsis : données discordantes mais il ne semble pas y avoir d’effet démontré.
Cependant elle pourrait avoir un rôle important dans le développement cérébral et sa régénération en particulier chez les prématurés. Atayde et al., en 2024, ont étudié chez des prématurés < 34SA, le taux de lactoferrine dans le lait maternel et l’impact sur le neurodéveloppement. Les prématurés ayant bénéficié d’un lait maternel avec un haut taux de lactoferrine étaient associés à un plus gros volume cérébral, une substance grise corticale et profonde plus importante.

Cellules souches

Elles représenteraient 10 à 15% des cellules totales du lait maternel, jusqu’à 13 millions/mL notamment dans le colostrum. L’apparition de ces cellules souches dans le lait maternel pourrait être liée au développement du système nerveux entéral (la glande mammaire et le système nerveux ont des origines embryonnaires similaires).

Dans un essai pilote mené par Sun et al. en 2019, en soins intensifs néonatals, une analyse pré et post-allaitement était réalisée portant sur des prématurés <30SA nourris au lait maternel frais (lait exprimé dans les 4h). Les résultats ont montré que ces enfants avaient une nutrition parentérale plus courte, une ventilation réduite, moins d’ECUN et de sepsis. Il faudrait un ECR pour confirmer ces données, mais cela interroge sur notre stockage du lait, est-il optimal si conservé > 4h ? Car le réfrigérateur détruit les cellules souches. Cela est confronté avec la gestion de l’infection CMV.

Perspectives thérapeutiques

Administration intranasale de lait maternel : membrane fine donc barrière sang-cerveau perméable ++, vascularisation riche à ce niveau. Série de cas témoins par Keller et al. en 2018 suggère des bénéfices sur les HIV sévères, et étude pilote par Hoban et al. en 2024 avec administration de quelques gouttes de lait intranasal chez les prématurés avec hémorragie cérébrale, montre une viabilité des cellules souches, sans effet indésirable majeur.

Article 13. Améliorer la composition en macronutriments des pools de lait maternel de
donneuses en utilisant l’apprentissage automatique et l’optimisation

Jacqueline Muts (Netherlands)

Introduction

Lorsque le lait maternel de la mère n’est pas disponible en quantité suffisante, le lait maternel de pool (= donneuses) constitue la meilleure alternative nutritionnelle. Le défi réside dans la grande variation de sa teneur en macronutriments entre les donneuses (selon âge de la donneuse, son IMC, son régime alimentaire, âge de lactation).
Aux Pays-Bas, la banque de lait maternel utilise une stratégie de regroupement de laits provenant d’une seule donneuse. Chaque lot de lait provient d’une seule donneuse, ce qui entraîne des variations significatives des apports nutritionnels entre les lots, ce qui peut avoir un impact sur la croissance et la santé à long terme des prématurés.

Objectif

Proposition d’une approche basée sur les données, utilisant des techniques d’apprentissage automatique et d’optimisation, afin d’améliorer la composition en macronutriments des pools de lait maternel. Au lieu d’utiliser une stratégie de regroupement de lait, il est suggéré de regrouper les laits de plusieurs donneuses dans un même pool, afin de créer des niveaux de nutriments plus ciblés dans les pools de lait et de réduire ainsi la variabilité entre ces derniers.

Conclusion

Cette nouvelle approche présente de multiples avantages :

  • Elle améliore la cohérence du lait maternel des donneuses, ce qui améliore le soutien nutritionnel des prématurés.
  • Elle améliore également l’efficacité opérationnelle des lactariums et permet de réduire le gaspillage, en minimisant la quantité de lait périmé et en évitant, par exemple, l’utilisation de lait insuffisamment protéique.
  • Elle permet d’améliorer la santé des nouveau-nés vulnérables.

La prochaine étape consisterait à mettre en œuvre cette approche en situation réelle afin de tester son efficacité et sa faisabilité.

Article 14. La supplémentation en fer à faible dose chez les nourrissons en bonne santé allaités réduit les problèmes de comportement a 3 ans : résultats d’un essai randomisé contrôle par placebo

Ludwig Kaloteka Svensson (Sweden)

Introduction

L’allaitement exclusif est recommandé pendant les 6 premiers mois, mais la faible teneur en fer du lait maternel peut entraîner une carence en fer. Cette carence peut entraîner des troubles du développement de l’enfant (troubles comportementaux, psychologiques). La supplémentation pourrait prévenir cette carence, mais ses effets sur le développement sont incertains. Cela a conduit à des recommandations divergentes entre l’Europe et l’Amérique du Nord :

  • L’Académie américaine de pédiatrie recommande une supplémentation en fer après quatre mois d’allaitement maternel exclusif.
  • L’ESPGHAN ne la recommande pas pour les nourrissons en bonne santé.

Matériel et méthode

L’essai SIDBI (Supplémentation en fer et développement des nourrissons allaités) était un essai randomisé, non contrôlé par placebo, mené en Suède et en Pologne. Entre 2015 et 2023, ils ont inclus des nourrissons nés à terme, ils ont été randomisés pour recevoir une faible dose de supplémentation en fer ou un placebo (dextrine maltose) entre 4 et 9 mois. Le principal critère d’évaluation était le développement moteur à 12 mois. Le critère secondaire (discuté sur cette session) était le comportement à 3 ans. Utilisation de la liste de contrôle du comportement de l’enfant (CBCL), pour évaluer le comportement (100 questions évaluées par les parents), avec des scores d’internalisation et d’externalisation (cf image).

Résultats

Le critère principal déjà publié en 2024 ne constatait aucune différence significative entre les groupes supplémentés en fer et ceux recevant une supplémentation, que ce soit à 12, 24 ou 36 mois.

Conclusion

En conclusion, une supplémentation en fer à faible dose entre quatre et neuf mois chez les nourrissons en bonne santé nourris principalement au sein pourrait réduire les problèmes de comportement à trois ans.
Il est important de garder à l’esprit qu’il s’agit d’un critère d’évaluation secondaire de l’étude, et la couverture de données était de 60 %, les résultats doivent donc être interprétés avec prudence jusqu’à ce qu’ils puissent être reproduits.

Article 15. Nourrir l’avenir : stratégies nutritionnelles et thérapeutiques pour l’équilibre du microbiome au début de la vie

Pr Willem M. De Vos (Finland)

Etat des lieux des dernières études sur l’étude de l’implantation, de la programmation et de la résilience du microbiome, et ses impacts sur le diagnostic ou les thérapeutiques.

Programmation du développement du microbiome aux premiers âges de vie

Méta-analyse par Korplea K et al. sur les facteurs influençant le développement du microbiome :

  • Comparaison sur différentes populations mondiales. Sur une période de 4 ans, on constate que les bifidobactéries apparaissent assez rapidement, puis diminuent. Parallèlement, les protobactéries sont nombreuses, puis diminuent, et reviennent plus tard, surtout après le sevrage. Sur l’analyse globale, les tendances semblent similaires mais aux États-Unis, le taux de bifidobactéries était nettement inférieur. > modulation de la programmation
  • Étude également des effets du mode de délivrance et des antibiotiques associés : les enfants nés par césarienne sont associés à un retard du développement des bifidobactéries et protobactéries, et les Clostridium peuvent être plus élevés. L’utilisation des antibiotiques affecte fortement des perturbations. > modulation de l’implantation

Essai de transplantation du microbiome maternel fécal chez des enfants nés par césarienne, par
Korplea K et al. en 2020

Il y a maintenant un consensus sur le fait que nous naissons stériles, même si cela est discuté, rien ne corrobore l’existence d’un microbiome fœtal. Ils ont réalisé une TMF maternelle chez des nourrissons nés par césarienne (chez qui il a déjà été observé un retard de développement par rapport aux enfants nés par voie basse). Grâce à la TMF maternelle, ils ont pu atténuer ce phénomène, avec un développement normal. Cela indique que la colonisation précoce se fait principalement par voie fécale-orale. Il s’agit de la TMF maternelle.
Il est également important de noter qu’il existe une directionnalité, si l’on examine la transmission de la souche, on retrouve toujours la même souche chez le bébé et la mère, il s’agirait donc d’une transmission verticale.

Étude publiée en 2024 menée par Dubois L et al. sur l’influence et l’implantation du microbiome paternel

Analyse approfondie du métabolite génomique. Ils remarquent une fréquence stable de transmission du microbiome du père, représentant quelques % du transfert maternel.

Essai mené en Finlande par K Korpela et al, 2016, testant si l’utilisation d’antibiotique au début de la vie de l’enfant atteint l’effet bénéfique de l’allaitement maternel sur le développement pondéral, et si la durée de l’allaitement a un impact sur le développement du microbiote à long terme. Il a été trouvé que les enfants allaités recevaient moins d’antibiotique pendant les premiers mois de vie, et présentaient moins de surpoids. Il a été retrouvé qu’une utilisation d’antibiotiques chez un enfant allaité pourrait affaiblir les effets bénéfiques d’un allaitement prolongé. Les résultats suggèrent que les bénéfices métaboliques à long terme de l’allaitement sont particulièrement transmis par le microbiote intestinal. Les macrolides semblent être associés à un développement plus fréquent d’asthme dans l’enfance. Les probiotiques LGG pourraient protéger des infections traitées par macrolides. Limites : ce n’est pas une étude en double aveugle avec groupe placebo contrôle.

Article 16. Microbiote et interventions biotiques dans l’APLV

Juan J. Díaz-Martín (Spain)

L’allergie alimentaire est une pathologie répandue, touchant 1 à 10% de la population mondiale. L’APLV plus précisément est en augmentation régulière, et est responsable d’une part significante des décès par anaphylaxie chez l’enfant. Il existe plusieurs facteurs de risque de développer une APLV, selon le mode de naissance, le type d’allaitement, les expositions aux animaux, l’environnement, la génétique… Et le microbiote intestinal et le système immunitaire en sont les clés.

Des métabolites bactériens sont impliqués dans le développement de la tolérance

  • Acides Gras à Chaines Courtes (Acetate, Butyrate, Phosphonate) : fermentation bactérienne des fibres alimentaires
  • Indoles / acides lactiques (Indole, Tryptophane) : métabolisme bactérien des acides aminés aromatiques alimentaires
  • Acides biliaires secondaires : métabolisme bactérien des acides biliaires de l’hôte
    Ces métabolites renforcent la tolérance immunitaire en favorisant le renforcement de l’intégrité de la barrière épithéliale intestinale.

L’enfant nait stérile puis est colonisé à la naissance par différentes bactéries, qui se développent jusqu’à l’âge de 2 ans. Il y a 2 pics : un pic de Bifidobacterium dans les premiers moments de vie, puis vers l’âge de la diversification un pic de Clostridia. Les deux induisent une tolérance immunitaire protégeant des allergies via en stimulant des Treg, bloquant les Th2 et Th17, améliorant l’adhérence dans les cellules épithéliales de l’intestin.

Le microbiote est-il vraiment si important dans l’APLV ?

Les modèles animaux ont montré des réponses exagérées dans l’allergie, avec baisse des IgA, augmentation des IgE, altération du développement du tissu lymphoïde associé à l’intestin, altération de l’intégrité de la barrière épithéliale, amincissement de la couche de mucus, réponses Th2 exagérées…

Dans l’étude présentée menée par Dr Díaz (publiée dans Nutrients, 2018), plusieurs différences du microbiote intestinal ont été mises en évidence entre des enfants avec vs sans APLV :

  • Taux significativement inférieurs dans le groupe APLV de Bacteroidetes à l’échelle du phylum, de Bacteroidaceae à l’échelle familiale, de Bacteroides à l’échelledu gène.
  • Différence en terme de diversité et maturité du microbiote (immaturité et faible diversité chez les enfants avec APLV).
  • Chez les enfants dont l’APLV disparait à 12 mois vs enfants qui gardent une APLV à 12 mois : taux plus faible de Lachnospiraceae au départ et taux plus faible de Bacteroidaceae
  • Différence entre les APLV IgE ou non IgE médiées : chez les non IgE médiées, taux de B.breve et B.longum sp. longum diminués

Le moment de l’exposition des facteurs de risque d’APLV est également déterminant car ils peuvent être pourvoyeurs d’allergie sur des mécanismes différents (cf schéma).

Ǫuels impacts thérapeutiques ?

  • Une étude portée sur des modèles murins, a cherché à moduler le microbiote intestinal pour limiter les allergies : Le transfert d’un microbiote de souriceaux en bonne santé protègerait contre une réponse allergique aux aliments chez les souris germ-free sensibilisées
  • Comment utiliser cela sur les enfants ? Plusieurs essais disponibles sur l’utilisation de probiotiques, prébiotiques+synbiotiques, postbiotiques, transplantation fécale de microbiote…
    • Dans l’étude de Wei Jing et al (J food biochem, 2020) B. bifidum TMC3115 a amélioré les réponses anti-inflammatoires dans l’APLV
    • Dans l’étude de Roberto Berni et al (J Allergy Clin Immunol, 2017), Lacticaseibacillus rhamnosus GG a montré une acquisition de tolérance plus élevée à 12 mois, 24 et 36 mois
    • Dans l’étude de Claire L Boulangé et al (Int J Mol Sci, 2023), la supplémentation en HMO a partiellement corrigé la dysbiose fréquemment observée chez les nourrissons atteints d’APLV
    • Dans l’étude de Pantipa Chatchatee et al (J Allergy Clin Immunol. 2022), la supplémentation en synbiotiques chez des enfants avec APLV non IgE médiée était corrélée à une augmentation de la composition de Bifidobacteria.
    • Dans l’étude de Sheng-Xuan Liu et al (World J Gastroenterol 2017), une transplantation de microbiote fécal était réalisée des nourrissons avec une évolution prévisible de colite allergique, avec observation d’une disparition très rapide des symptômes.

Ǫue disent les recommandations officielles sur l’intervention de biotique dans l’APLV ?

Sur la prévention : Il n’existe aucune recommandation pour ou contre les prébiotiques, les probiotiques ou les synbiotiques chez les femmes enceintes et/ou allaitantes et/ou les nourrissons, seuls ou en association avec d’autres approches pour prévenir les allergies alimentaires chez les nourrissons et les jeunes enfants (Pediatr Allergy Immunol. 2021;00:1-16).

Sur le traitement : Les directives actuelles de l’ESPGHAN ne recommandent pas les biotiques dans l’APLV, mais les recommandations des directives DRACMA incluent l’utilisation de formules avec LGG dans l’APLV.

Take home message

Le microbiote intestinal est un facteur clé dans le développement des troubles allergiques, dont l’APLV. Les nourrissons atteints d’APLV présentent des différences importantes dans la composition, la maturation et la diversité de leur microbiote intestinal au cours des premiers mois de vie. La modulation du microbiote intestinal par les probiotiques, les prébiotiques et les synbiotiques est une arme thérapeutique prometteuse dans la prise en charge de l’APLV. Cependant, des preuves supplémentaires sont nécessaires pour étayer leur recommandation chez tous les nourrissons atteints d’APLV.

Article 17. Nutrition végétale : avantages et inconvénients

Jutta Koeglmeier (United Kingdom) Elvira Verduci (Italy)

Introduction

Il existe une grande variété de régimes alimentaires à base de plantes, et leur signification reste confuse, même parmi les professionnels de la santé. Il n’y a pas d’approche consensuelle sur l’application de ces régimes, notamment peu d’études sur la population pédiatrique.

La consommation carnée est-elle nocive ?

  • Existence de transmission de stéroïdes androgènes (stéroïdes anabolisants autorisés dans les aliments du bétail aux USA, Canada, Argentine, Australie, Asie et Afrique du Sud), provoquant des modifications de l’organisation génétique, métabolomiques et structurelles directement dans les tissus animaux et pouvant avoir un impact toxique et dégénératif important sur le système reproducteur mâle humain. (Conceiçāo et al, Microorganisms, 2023)
  • Augmentation de l’exposition humaine ces dernières décennies à des bactéries résistantes aux antimicrobiens, notamment une résistance aux antimicrobiens non autorisés en médecine vétérinaire, parfois retrouvés dans les produits carnés. Transfert horizontal de ces gènes de résistance dans l’intestin humain. (Skoupá et al, Animals, 2022)

L’alimentation à base de plantes a-t-elle des bienfaits pour la santé ?

  • Chez l’adulte : réduction de l’obésité, du risque cardiovasculaire, du diabète de type 2 et de certains cancers.
  • Chez l’enfant, aucun bénéfice à long terme n’a été démontré suite à l’adoption d’un régime à base de plantes pendant l’enfance.

Est-ce que le régime à base de plantes peut prévenir des maladies ?

  • L’intervention nutritionnelle est démontrée comme le premier pas et traitement dans la prévention des risques cardiovasculaires. Les données scientifiques actuelles soutiennent le rôle des habitudes alimentaires plutôt que de simples nutriments ou aliments isolés.
  • Cependant, les enfants ne sont pas de petits adultes : des habitudes saines pour l’adulte pourraient ne pas convenir à l’enfant, il faut veiller à favoriser une croissance et un développement neurologique adéquats.
  • Le régime méditerranéen, le régime DASH ou le régime nordique semblent être les habitudes alimentaires les plus prometteuses en termes de santé cardiovasculaire chez les enfants, même si des études complémentaires sont nécessaires pour mieux standardiser et analyser leurs effets sur la croissance des enfants.

Rapport de l’Initiative de surveillance de l’obésité infantile (COSI)

  • L’obésité infantile est un problème de santé publique majeur et grave dans le monde entier. Une fois diagnostiquée, elle est souvent réfractaire au traitement.
  • Une étude menée en 2008 en Australie par Grant R et al. auprès de 215 adolescents en bonne santé scolarisés a montré que les élèves consommant principalement des aliments végétariens avaient un IMC significativement inférieur à celui de leurs camarades omnivores. Cependant, d’après Leung AKC et al. en 2024, la majorité des études disponibles n’a pas pu reproduire de différence significative dans les IMC entre les enfants végétaliens et les enfants omnivores.

Effet d’une alimentation végétale sur le profil adipokinétique et lipidique (Desmond MA, Sobiecki JG, 2021)

  • Une alimentation végétale pourrait avoir un effet bénéfique sur le profil adipokinétique et l’état inflammatoire, exprimé par le rapport adipokines anti-inflammatoires/adipokines pro- inflammatoires chez les enfants.
  • Les enfants végétaliens ont montré un meilleur profil lipidique sanguin que les omnivores avec un taux de cholestérol total et de LDL plus faibles, et une prévalence quasi nulle de LDL élevé et de LDL limite.
  • Dans certaines études, les enfants végétaliens présentaient des taux de HDL inférieurs ou limite-bas.

Comparaison de la croissance entre des enfants de mère vegan vs omnivores (Weder S, Hoffmann M, Becker, 2019)

  • Le lait maternel des mères végétaliennes, végétariennes et omnivores diffère en termes de composition en macronutriments et en micronutriments, et peut avoir une teneur en protéines nettement inférieure à celle des mères consommant des aliments d’origine animale.
  • Cependant, les nourrissons allaités nés de mères végétaliennes ont montré une croissance normale, mais dans la fourchette normale inférieure du centile, par rapport aux nourrissons allaités de mères omnivores.
  • Aucune différence significative entre les scores de poids pour l’âge, de taille pour l’âge ou de poids pour la taille des enfants végétaliens, végétariens et non végétariens.

Apport en protéines des enfants végétaliens (Neufingerl N, Eilander A, 2023)

  • Les protéines végétales ont une biodisponibilité inférieure aux protéines issue de l’animal.
  • Les régimes végétaliens ont donc été jugés inappropriés pour les enfants par de nombreux professionnels de santé, en raison de préoccupations concernant un apport protéique insuffisant.
  • Selon la littérature disponible, les enfants et adolescents végétaliens respectent les apports de référence en protéines des recommandations de l’EFSA.

Conclusion

Arguments en faveur d’une alimentation végétale

  • Éviter la consommation de viande animale et réduire l’élevage qui en résulterait pourrait contribuer à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre
  • Il a été démontré que les enfants végétaliens présentent un meilleur profil lipidique et adipokinétique sanguin que les omnivores, ce qui pourrait réduire leur risque cardiovasculaire.
  • Les enfants et adolescents végétaliens respectent les apports de référence de l’EFSA en protéines.

Applications possibles

  • Les enfants suivant un régime végétalien doivent bénéficier de conseils nutritionnels réguliers dispensés par un diététicien pédiatrique qualifié. En l’absence de soutien diététique, une approche de santé publique doit être adoptée afin de fournir des conseils clairs.
  • Les régimes végétaliens pour les nourrissons, les enfants et les adolescents doivent fournir les mêmes besoins énergétiques moyens adaptés à leur âge que la population pédiatrique générale.
  • Les enfants végétaliens peuvent avoir besoin de consommer plus de protéines que les apports recommandés pour la population générale (digestibilité plus faible des protéines végétales).
  • L’apport en protéines de chaque enfant doit être évalué individuellement. Considérer la qualité et la quantité des protéines pour optimiser l’apport en acides aminés essentiels.
  • Les nutriments essentiels nécessitant une attention particulière chez les nourrissons et les enfants suivant un régime végétalien sont la vitamine B12, la vitamine D, le fer, le calcium et les acides gras polyinsaturés à longue chaîne. Des aliments riches en acide alpha-linolénique doivent être consommés régulièrement pour favoriser un apport suffisant en acides gras oméga3. Un supplément de DHA à base d’algues, adapté à l’âge et avec un contenu titré, pourrait être envisagé.